Insights Header image
Insights Header image
Insights Header image

Différends relatifs aux noms de domaine au Canada : considérations pour les entités non canadiennes

Octobre 2020 Bulletin de la propriété intellectuelle Lecture de 4 min

Pour les entreprises non canadiennes qui souhaitent faire des affaires au Canada, l’obtention d’un nom de domaine « .ca » devrait faire partie intégrante de leur stratégie de propriété intellectuelle. Le récent litige sur les noms de domaine dans l’affaire Trucksuite LLC v Paul Donofrio et alDécision CDRP 00440 (« Trucksuite ») (en anglais seulement) est une bonne illustration de ce point.

Trucksuite LLC (« Trucksuite ») exerçait ses activités dans son territoire d’origine (États-Unis) depuis un certain temps, et utilisait la marque TRUCKSUITE dans ce territoire. Trucksuite n’avait pas fait d’affaires au Canada, mais avait néanmoins des projets d’expansion dans ce pays. Trucksuite n’avait pas non plus enregistré la marque TRUCKSUITE au Canada. En prévision de son expansion au Canada, Trucksuite a engagé une société canadienne, Paul Donofrio et al. (« Donofrio »), avec l’intention que Donofrio devienne à terme la branche commerciale canadienne de Trucksuite ou constitue une partie substantielle des activités commerciales de Trucksuite au Canada.

Durant les négociations entre Trucksuite et Donofrio, Donofrio a enregistré le nom de domaine « .ca » www.trucksuite.ca (le « Nom de domaine ») pour s’assurer que ce nom de domaine ne soit plus disponible pour l’enregistrement par des tiers au Canada. Malheureusement, les négociations entre Trucksuite et Donofrio ont finalement échoué. Donofrio a continué à être inscrite comme la titulaire du nom de domaine et Trucksuite a déposé une plainte conformément à la Politique de règlement des différends (la « Politique ») de l’Autorité canadienne pour les enregistrements InternetACEI ») pour contester le maintien de la propriété de Donofrio sur le nom de domaine.

Contexte de la Politique et des Règles

Les plaintes concernant les noms de domaines « .ca » au Canada sont généralement déposées dans le cadre de la Politique et sont soumises aux Règles en matière de règlement des différends de l’ACEI (les « Règles »). De telles poursuites sont généralement appropriées lorsque les questions en jeu sont simples (p. ex., aucun différend contractuel entre les parties, aucune relation compliquée entre les parties). Les affaires comportant une situation factuelle complexe sont de préférence réservées aux tribunaux, par l’entremise desquels des recours/ordonnances touchant des transferts de noms de domaine peuvent être obtenus.

Seuls les « plaignants admissibles » peuvent déposer des plaintes concernant les noms de domaine « .ca » en vertu des politiques et des règles. Selon la Politique, un « plaignant admissible » est celui qui :

  •  satisfait aux Exigences en matière de présence au Canada (p. ex. citoyen canadien, résident permanent canadien, personne morale constituée sous le régime des lois du Canada ou de celles d’une province ou d’un territoire du Canada, fiducie constituée et existant aux termes des lois d’une province ou d’un territoire du Canada);
  • est propriétaire d’une marque de commerce faisant l’objet d’un enregistrement au Canada qui a été incorporée dans le nom de domaine « .ca » faisant l’objet du différend.

Pour qu’un plaignant admissible ait gain de cause dans une telle procédure, le groupe d’experts chargés d’examiner la plainte doit conclure, selon la prépondérance des probabilités : i) que le nom de domaine « .ca » faisant l’objet du différend est semblable à la marque de commerce du plaignant au point de créer de la confusion et que le plaignant avait des droits à l’égard de la marque avant la date d’enregistrement du nom de domaine « .ca » faisant l’objet du différend et continue d’avoir de tels droits; ii) que le nom de domaine « .ca » faisant l’objet du différend a été enregistré de mauvaise foi; et (iii) que le titulaire du nom de domaine « .ca » faisant l’objet du différend n’avait aucun intérêt légitime dans le nom de domaine « .ca » en cause.

Trucksuite

Remplir la condition de « plaignant admissible » est souvent un obstacle pour les entités non canadiennes qui ont des projets d’expansion au Canada, mais qui n’ont pas exercé d’activités au Canada ou n’ont pas pris de mesures préliminaires pour protéger leurs marques de commerce au Canada. Ce problème se posait aussi pour Trucksuite dans la décision Trucksuite. En effet, Trucksuite n’a pas été en mesure d’établir qu’elle était présente au Canada ou qu’elle avait enregistré une marque de commerce canadienne pour la marque TRUCKSUITE, qui était incorporée dans le nom de domaine « .ca » faisant l’objet du différend. Le groupe d’experts chargé d’entendre la plainte a décidé que Trucksuite ne remplissait pas les critères d’un « plaignant admissible » (tels que définis dans la Politique) et n’avait donc pas qualité pour déposer une plainte concernant le nom de domaine « .ca » en vertu de la Politique et des Règles.

Points à retenir

L’expansion est un élément naturel et organique de toute entreprise. Vous trouverez ci-dessous quelques points que les entreprises non canadiennes qui envisagent d’étendre leurs activités au Canada peuvent souhaiter prendre en considération afin de mieux protéger leurs intérêts en matière de propriété intellectuelle au Canada et de mieux se positionner sur le marché canadien :

  • planifiez et faites une demande d’enregistrement de votre marque au Canada dès que possible. Au moment de la rédaction de ce bulletin, la procédure de demande d’enregistrement d’une marque au Canada est longue (en général plus de deux ans entre le dépôt et l’enregistrement). Notez qu’il n’est pas nécessaire de fournir une déclaration d’utilisation de la marque au Canada pour obtenir l’enregistrement de la marque.
  • lorsque vous y avait droit, enregistrez les noms de domaine « .ca » qui peuvent avoir une valeur pour votre entreprise. Le domaine « .ca » est le domaine de premier niveau au Canada, et il est couramment utilisé par les entreprises exerçant des activités au Canada.
  • avant de poursuivre un différend sur un nom de domaine, il faut penser au forum. Si les faits sont relativement simples, il peut être approprié de déposer une plainte conformément à la Politique et aux Règles. Cependant, si les faits ou la relation entre les parties sont complexes ou si le nom de domaine est l’une des nombreuses questions à résoudre entre les parties concernées, alors il faut envisager de solliciter des recours/ordonnances relatifs au nom de domaine dans le cadre d’une action ou d’une demande judiciaire plus importante.

par Pablo Tseng

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder entièrement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2020

Perspectives (5 Posts)Voir Plus

Featured Insight

Budget 2024 : modifications législatives importantes touchant les fonds de placement

Dans le budget de 2024, le gouvernement reconnaît que les restrictions imposées aux biens pouvant être détenus par des régimes enregistrés sont devenues excessivement complexes.

Lire plus
25 Avr, 2024
Featured Insight

Budget de 2024 : mesures incitatives en faveur des énergies propres et du secteur des ressources

La transition du Canada vers une économie carboneutre demeure une priorité du gouvernement et le budget de 2024 prévoit des mesures visant à faciliter cette transition déjà amorcée.

Lire plus
25 Avr, 2024
Featured Insight

Budget de 2024 : hausse d’impôt sur les gains en capital

Le budget de 2024 propose de modifier considérablement l’impôt sur les gains en capital en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada).

Lire plus
25 Avr, 2024
Featured Insight

Oui, le sable est un contaminant dont le rejet dans l’environnement est encadré

Le sable est un contaminant dont le rejet dans l'environnement est encadré au Québec

Lire plus
25 Avr, 2024
Featured Insight

Budget 2024 : élargissement de l’allègement pour les fournisseurs de services non-résidents

Le budget de 2024 élargira les situations pour lesquelles un allègement pourra être octroyé à l’égard des retenues exigées sur les paiements faits à des fournisseurs de services non-résidents au Canada.

Lire plus
23 Avr, 2024