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Dommages causés par un cours d’eau : les autorités municipales peuvent parfois être tenues responsables

25 septembre 2023 Bulletin sur l'environnement et l'immobilier Lecture de 3 min

Dans la récente affaire Orsoni c. Ville de Sainte-Thérèse[1], la Cour supérieure du Québec (la « Cour ») a rendu jugement dans un litige opposant Jean-Pascal Orsoni et Pascale Orsoni à la Ville de Sainte-Thérèse et la MRC Thérèse-De-Blainville (collectivement, les « Défenderesses »). Cette décision met en relief les pouvoirs et responsabilités des autorités municipales à l’égard de certains cours d’eau.

Les faits

Depuis 2008, le couple habite un immeuble situé sur le territoire de la Ville de Sainte-Thérèse. Dès le début de leur occupation, le couple a vécu – plusieurs fois par année – d’importants débordements d’eau et de boue provenant d’une rue située en amont de leur propriété.

En 2020, le couple a subi plusieurs sinistres incluant l’affaissement du sol situé au-dessus d’une conduite d’égout pluviale. Cela les a menés à introduire, en avril 2021, des procédures judiciaires contre les Défenderesses. Le couple recherche notamment, d’une part, le remplacement de la conduite d’égout pluvial problématique et la remise en état de leur terrain et, d’autre part, la réalisation de travaux adéquats pour que cessent les déversements d’eau et de boue sur leur immeuble.

Bien que les Défenderesses reconnaissent la nécessité de remplacer la conduite d’égout pluvial, elles soutiennent que cette responsabilité incombe au couple. Quant aux déversements d’eaux, la Ville considère avoir déjà résolu adéquatement le problème en août 2020 en installant un puisard et une bordure d’asphalte pour empêcher que l’eau ne se déverse sur l’immeuble du couple lors de la fonte des neiges.

La Loi sur les compétences municipales (LCM)

L’article 103 de la Loi sur les compétences municipales (« LCM ») confère une compétence aux municipalités régionales de comté (les « MRC ») à l’égard de certains cours d’eau, qu’ils soient à débit régulier ou intermittent. Il s’agit d’une compétence expresse des MRC en matière d’environnement. Les articles qui suivent résument les obligations des MRC qui découlent de cette compétence.

Selon l’article 105 LCM, les MRC ont l’obligation d’agir pour rétablir l’écoulement normal des eaux d’un cours d’eau lorsqu’elles sont informées d’une obstruction qui menace la sécurité des personnes ou des biens. L’article 107 LCM confère pour sa part aux MRC le droit d’accéder à la propriété d’autrui pour effectuer des travaux liés aux cours d’eau, mais les oblige à remettre les lieux en état et à réparer le préjudice causé.

Quant à l’article 108 LCM, il énonce qu’une MRC peut déléguer la gestion des travaux sur des cours d’eau à une Ville, ce qui a été fait dans le cas en espèce.

Le régime de responsabilité extracontractuelle applicable à l’encontre des MRC

L’article 105 LCM s’ajoute aux règles de responsabilité extracontractuelle des articles 1457 et suivants du Code civil du Québec ( « C.c.Q. ») auxquelles s’exposent les MRC face aux citoyens.

En effet, le défaut de respecter le devoir d’agir lorsque les conditions de l’article 105 LCM sont remplies constitue une faute pouvant engager la responsabilité extracontractuelle de la MRC (ou de la Ville si une entente existe à cet effet).

Par ailleurs, l’article 1465 C.c.Q. établit un régime de présomption de faute lorsqu’il est établi que le préjudice est causé par le fait autonome d’un bien dont la MRC a la garde. Celle-ci peut repousser cette présomption en prouvant l’absence de faute, la force majeure ou la faute de la victime ou d’un tiers.

En l’espèce, les Défenderesses soutiennent qu’en tant que propriétaires ou gardiennes du ponceau (art. 1465 C.c.Q.), il incombe au couple de le réparer et qu’ils sont par ailleurs responsables de leurs dommages en vertu de la théorie de la ruine des bâtiments (art. 1467 C.c.Q.),

La Cour a toutefois rejeté ces arguments. En effet, la preuve démontre que le ponceau est intégré au réseau pluvial de la Ville et que la Ville demeure la gardienne de son réseau de collecte et d’évacuation des eaux. Qui plus est, la Cour souligne que les interventions de la Ville après les sinistres survenus sur la propriété du couple démontre qu’elle se considérait comme la gardienne ou la propriétaire de la conduite d’égout pluviale en question, au sens des articles 1465 et 1467 C.c.Q.

La décision

La Cour a tranché en faveur du couple et a ordonné aux Défenderesses de procéder, à leurs frais, au remplacement de la canalisation ainsi qu’à la remise en état des lieux.

En ce qui concerne les déversements d’eau, la Cour a estimé que la solution de la Ville à ce problème était nettement inadéquate et lui a ordonné de corriger la situation.

Conclusion

Cette affaire porte sur une situation qui risque de devenir de plus en plus courante en raison des changements climatiques. Ainsi, il est important pour les propriétaires de comprendre les responsabilités des MRC et des municipalités en matière de gestion des cours d’eau afin de connaître leurs recours en cas de dommages découlant de ceux-ci.

[1] 2023 QCCS 2350

par Martin Thiboutot and Lindsey Soso (stagiaire)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

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