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Consultation sur le droit d’auteur pour l’intelligence artificielle au Canada – À l’aube d’une nouvelle ère du droit d’auteur

Août 24, 2021 Bulletin sur le droit des affaires, la technologie et la propriété intellectuelle Lecture de 6 min

En juillet 2021, le gouvernement du Canada a lancé une consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour l’intelligence artificielle et l’Internet des objets. Cette consultation a pour objectif de recueillir des données supplémentaires qui serviront à réévaluer la politique canadienne en matière de droit d’auteur à la lumière des nouveaux défis que posent l’intelligence artificielle (IA) et l’Internet des objets (IDO). Elle représente la dernière étape de l’examen de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi ») et fait suite à l’examen mené par le Parlement en 2018-2019. Le gouvernement invite les parties concernées à soumettre des données probantes et des opinions sur les éventuelles modifications à la Loi qui sont décrites en détail dans le document de la consultation.

Le présent bulletin porte uniquement sur les parties du document de consultation qui traitent de l’IA. Les parties qui traitent de l’IDO font l’objet d’un bulletin distinct.

Nous nous pencherons sur certaines questions où une modernisation de la Loi sur le droit d’auteur serait bienvenue, à savoir la fouille de textes et de données, la titularité et la propriété des œuvres produites par l’IA, ainsi que la violation et la responsabilité en matière d’IA. Par souci de brièveté, nous n’aborderons pas les approches adoptées ailleurs dans le monde; pour en savoir plus à ce sujet, veuillez vous reporter au document de la consultation.

Fouille de textes et de données

La fouille de textes et de données (FTD) consiste en l’analyse de grandes quantités d’information lisible par machine afin de dégager des tendances et des relations, d’établir des modèles et de dériver des prédictions. Les connaissances obtenues par ce procédé donnent lieu à des avancées en sciences et en arts et permettent aux entreprises de résoudre des problèmes, d’innover et de créer de la valeur. Cet aspect revêt une importance particulière pour les technologies de l’IA, qui dépendent fortement de la FTD pour la mise au point et l’entraînement des systèmes d’IA.

Le principal problème, en ce qui a trait à la Loi sur le droit d’auteur, vient du fait que l’alimentation des systèmes d’IA exige de reproduire de grandes quantités de données, y compris des œuvres possiblement protégées par le droit d’auteur. Le nombre considérable d’autorisations à obtenir auprès des titulaires de droits d’auteur aux termes de la Loi actuelle représente un lourd fardeau pour les développeurs dans le domaine de l’IA.

Il y a une certaine incertitude quant à la mesure dans laquelle les exceptions à la violation du droit d’auteur existantes – y compris l’exception relative à l’utilisation équitable et l’exception relative aux reproductions temporaires pour les processus technologiques – sont applicables aux activités de FTD. D’après certaines recommandations, ces exceptions devraient être étendues de manière à permettre la FTD. Or, étendre ces exceptions n’est peut-être pas la solution. En effet, les modifications éventuelles apportées aux exceptions existantes pourraient avoir d’autres résultats que ceux recherchés. De plus, elles ne refléteraient peut-être pas toutes les exigences des activités de FTD, dont la nécessité de conserver, aux fins de vérification et de validation, des copies des textes et des données fouillés. Une autre solution consisterait à formuler une nouvelle exception expressément pour la FTD.

Ajouter des exceptions à la Loi est une arme à deux tranchants : il y a d’un côté la possibilité d’augmenter la compétitivité du Canada sur le marché international et favoriser les investissements, et de l’autre, le risque de faire diminuer le rendement économique des œuvres protégées par le droit d’auteur en décourageant les activités d’octroi de licences. Par conséquent, le gouvernement souhaite recevoir des commentaires sur la nature des activités de FTD existantes, y compris les difficultés rencontrées par les titulaires de droits d’auteur dans l’octroi de licences sur leurs œuvres aux fins de FTD, les obstacles que représentent les mesures techniques de protection pour les activités de FTD et toute préoccupation quant à la possibilité que les extrants de la FTD violent le droit d’auteur. Il accueille aussi les commentaires sur la portée, les mesures de sauvegarde et les limites de toute nouvelle exception à la violation du droit d’auteur propre à la FTD.

Titularité et propriété des œuvres produites par l’IA

Les divers degrés d’intervention humaine nécessaires à la production d’œuvres avec les technologies de l’IA suscitent des questions complexes quant à la façon d’évaluer la titularité et la propriété des œuvres produites par l’IA (c’est-à-dire sans aucune intervention humaine) et des œuvres assistées par l’IA (c’est-à-dire avec certains éléments d’intervention humaine).

Le concept de titularité est difficile à appliquer aux œuvres produites par l’IA dans la mesure où, sous le régime de droit d’auteur actuel, un auteur est censé être une personne physique et la durée de la protection de ses droits, qui est liée à la durée de sa vie, se prolonge un certain temps après son décès. Même dans le cas des œuvres assistées par l’IA, le seuil de la titularité humaine et les critères pour être considéré comme un contributeur important sont flous.

Prenons par exemple une application d’IA ayant la capacité de créer des œuvres originales. Un utilisateur peut se servir de cette application de diverses manières afin de produire une œuvre : (i) laisser l’application produire l’œuvre sans intervenir; (ii) fournir à l’application des données supplémentaires pour produire l’œuvre; (iii) organiser une série d’œuvres produites par l’IA et en sélectionner une en fonction de certains critères; (iv) modifier une œuvre produite par l’IA après sa création; (v) modifier l’application d’IA même afin de la faire produire l’œuvre voulue, au lieu de sélectionner ou modifier l’œuvre après sa création. Un exemple de ce phénomène est la popularité que connaissent actuellement les logiciels d’assistance à la programmation (par exemple GitHub Copilot), qui génèrent la plus grande partie du programme de l’application développée et dans lesquels le lien entre l’intervention humaine et le produit final est plus ténu. Le degré variable d’intervention humaine dans la création d’une œuvre assistée par l’IA entraîne de l’incertitude quant au seuil d’intervention nécessaire pour que cette œuvre soit considérée comme « originale » – l’originalité étant un critère que l’œuvre doit remplir pour être protégée par le droit d’auteur au Canada.

Le document de la consultation propose trois approches pour établir la titularité et la propriété : (i) attribuer la titularité de l’œuvre produite par l’IA à la personne qui a pris les dispositions pour que l’œuvre soit créée, ce qui implique de définir des facteurs permettant de déterminer si une œuvre assistée par l’IA respecte le seuil de titularité humaine; (ii) poser la participation humaine à la production de l’œuvre comme condition à remplir pour que l’œuvre soit protégée par le droit d’auteur; ou (iii) établir des droits spéciaux sur les œuvres produites par l’IA, y compris des droits pour les contributeurs qui ne sont pas directement liés à la création de l’œuvre, une durée de protection particulière, des recours en cas de violation ainsi qu’une exigence de contribution distincte pour les œuvres produites par l’IA qui déterminerait qui est le propriétaire premier de ces nouveaux droits.

Le gouvernement invite les parties intéressées à transmettre leurs opinions sur les approches susmentionnées et leur utilisation de l’IA dans la création d’œuvres, y compris le degré d’intervention humaine, les répercussions de l’incertitude autour de la titularité ou de la propriété des œuvres produites par l’IA ou assistées par l’IA, les moyens par lesquels les entreprises atténuent les risques associés à cette incertitude et le type de licences employé dans le cas des œuvres produites par l’IA ou assistées par l’IA.

Violation et responsabilité en matière d’IA

À mesure que la capacité des technologies de l’IA à créer des œuvres de manière autonome augmente et que la participation humaine à ces créations diminue, il est de plus en plus difficile d’établir et d’imputer une responsabilité en cas de violation du droit d’auteur.

Pour établir une violation du droit d’auteur aux termes de la Loi actuelle, il faut démontrer que la partie qui aurait violé le droit d’auteur a eu accès à l’œuvre originale et qu’au moins une partie importante de l’œuvre a été reproduite. D’ailleurs, l’importance de la partie de l’œuvre reproduite est évaluée de manière qualitative plutôt que simplement quantitative. Sous un tel régime, l’établissement d’une violation par une œuvre produite par l’IA ou assistée par l’IA ou par l’application d’IA elle-même exigerait de la transparence autour de l’application d’IA, y compris la ou les sources des données qui ont servi à entraîner le système, et possiblement un nombre incalculable de vérifications et d’analyses. À ces difficultés s’ajoute le fait qu’un grand nombre d’applications et de systèmes d’IA sont des « boîtes noires » brevetées dont les rouages internes ne sont pas accessibles au public.

De plus, on ne sait pas si l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur pour l’entraînement des systèmes d’IA, l’exploitation des systèmes d’IA ou la mise à jour ultérieure des modèles d’IA conduisent à la reproduction illégale d’une œuvre et, le cas échéant, qui est responsable de la violation et s’il s’agit d’une violation directe ou indirecte (soit le fait d’utiliser sciemment une copie illégale). Là aussi, il pourrait être utile de définir le seuil d’intervention humaine (par exemple le développement ou la vente de l’application d’IA ou encore l’octroi de licences pour son utilisation) auquel une personne peut être considérée comme ayant autorisé la violation du droit d’auteur et en être tenue responsable.

Le gouvernement souhaite recueillir des commentaires sur les mesures adoptées par les entreprises pour atténuer les risques de responsabilité en cas de violation du droit d’auteur (que ce soit par un système d’IA, une œuvre produite par l’IA ou une œuvre assistée par l’IA), les difficultés rencontrées par les titulaires de droits d’auteur qui cherchent à faire respecter leurs droits ou à octroyer des licences dans le contexte de l’IA, la difficulté de déterminer si un système d’IA a violé le droit d’auteur en produisant une nouvelle œuvre et la mesure dans laquelle les systèmes d’IA conservent des reproductions de contenu protégé par le droit d’auteur utilisé pour leur entraînement une fois qu’ils sont entraînés et commercialisés.

La date limite pour soumettre des commentaires approche à grands pas. Les commentaires doivent être transmis au plus tard le 17 septembre 2021. Les organisations qui le souhaitent peuvent transmettre leurs commentaires (sous forme de fichier Word) par courriel à l’adresse suivante : [email protected]. Nous demeurons à votre disposition pour une consultation si vous avez besoin d’aide ou d’explications supplémentaires dans la préparation de votre document.

par Rish Handa et Alice Ahmad (Stagiaire en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2021

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