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Mesures financières non conformes aux PCGR : dissiper la confusion

30 juin 2021 Bulletin Marchés des capitaux Lecture de 8 min

Bien souvent, une certaine confusion règne au sein du marché concernant l’emploi de mesures financières non conformes aux PCGR. Dans les documents qu’ils préparent et déposent dans le cadre de leurs obligations d’information continue, les émetteurs assujettis utilisent fréquemment des mesures financières non conformes aux PCGR, des ratios non conformes aux PCGR ou d’autres mesures financières déterminées, comme le « BAIIA ajusté », le « bénéfice pro forma » et les « flux de trésorerie disponibles par once ». Or, ces mesures tendent à poser problème, car souvent elles ne sont pas associées à un contexte, à une définition normalisée et à des calculs transparents lorsqu’elles sont communiquées en dehors des états financiers. Il existe donc un risque réel qu’elles induisent les investisseurs en erreur. Heureusement, les autorités en valeurs mobilières du Canada ont formulé de nouvelles indications et de nouvelles exigences réglementaires relatives à l’emploi des mesures financières non conformes aux PCGR, afin de dissiper la confusion à cet égard.

Le 27 mai 2021, dans une optique de protection des investisseurs et d’uniformisation des pratiques, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié le Règlement 52-112 sur l’information concernant les mesures financières non conformes aux PCGR et les autres mesures financières (le « Règlement 52-112 ») et l’Instruction générale relative au Règlement 52-112 sur l’information concernant les mesures financières non conformes aux PCGR et les autres mesures financières. Elles ont aussi modifié en conséquence les normes suivantes :

  • le Règlement 45-108 sur le financement participatif;
  • l’Instruction générale relative au Règlement 45-108 sur le financement participatif;
  • l’Instruction générale relative au Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue;
  • l’Instruction générale relative au Règlement 51-105 sur les émetteurs cotés sur les marchés de gré à gré américains;
  • l’Instruction générale relative au Règlement 52-107 sur les principes comptables et normes d’audit acceptables.

Le Règlement 52-112 et les documents connexes visent à préciser et à uniformiser les obligations d’information continue des émetteurs assujettis dans les cas où ceux-ci utilisent des mesures financières non conformes aux PCGR et d’autres mesures financières déterminées. L’objectif poursuivi est d’améliorer, par la normalisation et la transparence, la qualité de l’information fournie aux investisseurs, pour les aider à mieux évaluer les diverses mesures financières employées par les sociétés et leurs secteurs d’activité.

Règlement 52-112 : le contexte

Avis des ACVM

Le Règlement 52-112 englobe l’essentiel des obligations d’information énoncées dans l’Avis 52-306 du personnel des ACVM (révisé) : mesures financières non conformes aux PCGR (l’« Avis 52-306 »), leur conférant officiellement la qualité de règlement en valeurs mobilières.

En outre, le Règlement élargit et actualise ces obligations, y compris la définition de « mesures financières non conformes aux PCGR », afin de les rapprocher de celles d’autres territoires, notamment les États-Unis.

Les ACVM ont instauré des directives portant sur les mesures financières non conformes aux PCGR pour la première fois en janvier 2016, dans l’Avis 52-306. À la longue, les ACVM, les parties prenantes et les investisseurs ont constaté que l’Avis 52-306 n’encadrait pas adéquatement l’emploi des mesures financières non conformes aux PCGR et n’offrait pas une bonne protection aux investisseurs. Les ACVM ont donc proposé de le remplacer par un règlement officiel, et ont présenté un projet en ce sens en septembre 2018. À la suite de commentaires et de consultations, une version révisée du projet de règlement a été déposée en février 2020. Puis, après avoir attentivement examiné les commentaires des parties prenantes, les ACVM ont publié la version finale du Règlement 52-112 le 27 mai 2021.

Champ d’application

Le Règlement 52-112 s’applique à tous les émetteurs assujettis, à l’exception des fonds d’investissement (au sens donné à ce terme dans le Règlement 81-106 sur l’information continue des fonds d’investissement) et des émetteurs étrangers visés et des émetteurs étrangers inscrits auprès de la SEC (au sens donné à ces termes dans le Règlement 52-107 sur les principes comptables et normes d’audit acceptables). Il s’applique également aux émetteurs non assujettis lorsqu’une mesure financière déterminée est rendue publique dans un document se rapportant à un premier appel public à l’épargne ou à une notice d’offre ou dans un document promotionnel connexe, ou encore dans un document transmis à une bourse dans le cadre d’une opération admissible, d’une prise de contrôle inversée, d’un changement d’activité, d’une demande d’inscription à la cote, d’une acquisition significative ou d’une opération similaire.

Le Règlement 52-112 définit les mesures financières suivantes et prévoit des obligations d’information précises à leur égard :

  • les mesures financières non conformes aux PCGR (historiques ou prospectives);
  • les ratios non conformes aux PCGR;
  • les mesures de gestion du capital;
  • les mesures financières supplémentaires;
  • les totaux des mesures sectorielles;

(collectivement, les « mesures financières déterminées »).

Le simple fait de mentionner le nom d’une mesure financière, sans lui associer de valeur numérique, ne constitue pas la communication d’une mesure financière déterminée et, en l’occurrence, les obligations d’information prévues par le Règlement 52-112 ne s’appliquent pas.

Sous réserve de certaines exceptions, lorsqu’une mesure financière déterminée est communiquée dans un document destiné ou raisonnablement susceptible d’être destiné au public, le Règlement 52-112 s’applique.

Le Règlement a une portée générale et s’applique non seulement aux documents déposés dans le Système électronique de données, d’analyse et de recherche (« SEDAR »), mais aussi à l’information publiée sur un site Web ou une plateforme de média social. Toutefois, la transcription d’une déclaration verbale, comme une conférence sur les résultats, n’est pas visée par le Règlement 52-112.

À titre d’exemples, les mesures financières déterminées pouvant être visées par le Règlement 52-112 comprennent le « bénéfice ajusté », les « flux de trésorerie disponibles », le « bénéfice en trésorerie », les « liquidités distribuables », le « coût de l’once », les « fonds provenant de l’exploitation ajustés » et le « bénéfice avant charges ponctuelles ». Sont généralement exclus du champ d’application du Règlement 52-112 les paramètres non financiers, comme le nombre de parts, de souscripteurs ou d’employés, les données volumétriques, les mesures environnementales (comme les émissions de gaz à effet de serre), l’information concernant les participations importantes, les acquisitions ou l’aliénation d’actions de l’émetteur assujetti, et le nombre total de droits de vote. La communication qualitative de cibles, d’indicateurs de référence ou de clauses contractuelles est également exclue, pourvu qu’elle ne s’accompagne pas d’une valeur numérique financière.

Les autres types de communication ne sont pas visés. Par exemple, le Règlement 52-112 ne s’applique pas à certaines communications obligatoires des sociétés ayant des projets miniers ou des activités pétrolières et gazières (sauf en ce qui concerne les mesures du pétrole et du gaz). Le Règlement 52-112 ne s’applique pas non plus à ce qui suit :

  • les rapports fournis par un tiers;
  • les états financiers pro forma à déposer en vertu de la législation en valeurs mobilières;
  • certains renseignements à inclure dans une déclaration de la rémunération de la haute direction;
  • certains renseignements communiqués par les sociétés inscrites;
  • certains documents que doivent déposer les émetteurs assujettis, notamment les documents portant sur les droits des porteurs de titres et les contrats importants;
  • les documents contenant des mesures financières déterminées calculées aux termes d’une clause contractuelle de nature financière prévue par une entente écrite;
  • les documents contenant des mesures financières déterminées requises par la législation ou par un organisme d’autoréglementation (OAR) dont l’émetteur est membre.

Lorsqu’un émetteur présente une mesure financière qui n’est pas expressément requise par la législation ou par un OAR, cette mesure financière peut être considérée comme une mesure financière déterminée, et donc tomber sous le coup du Règlement 52-112. Par exemple, le Règlement 43-101 sur l’information concernant les projets miniers (« Règlement 43‑101 ») prévoit une obligation d’information qui implique l’emploi de certaines mesures financières. Puisque ces mesures financières sont imposées, elles tombent en dehors du champ d’application du Règlement 52-112. Toutefois, si un émetteur assujetti présente des renseignements supplémentaires au moyen de mesures financières qui ne sont pas prescrites par le Règlement 43-101, cette présentation pourrait être visée par les obligations d’information du Règlement 52-112. Il en va de même lorsqu’un état financier pro forma est présenté volontairement.

Obligations d’information

Bien que chaque mesure financière déterminée s’accompagne de ses propres obligations d’information, le Règlement 52-112 répond à quatre des problèmes soulevés par l’emploi de ces mesures dans des documents d’information mis à la disposition du public :

Désignation appropriée et indication – Les désignations servant à nommer une mesure financière déterminée doivent être distinctes et convenir à la nature de l’information présentée. De plus, la composition d’une mesure financière déterminée doit être prise en compte dans la détermination de son appellation. Les mesures financières non conformes aux PCGR doivent également être indiquées comme telles. Les désignations trompeuses ou exagérément optimistes sont interdites.

Mesures comparables – Certaines mesures financières déterminées requièrent la présentation de la mesure financière la plus directement comparable qui figure dans les états financiers de base de l’émetteur assujetti. Lorsqu’une mesure financière déterminée est employée dans un rapport de gestion ou un communiqué sur les résultats, des renseignements supplémentaires sont exigés, notamment la présentation de la même mesure, calculée de la même manière, pour une période correspondante.

Importance visuelle – Afin de prévenir les abus, les mesures financières déterminées ne peuvent être présentées avec une importance visuelle plus grande que la mesure financière la plus directement comparable qui figure dans les états financiers de base de l’émetteur assujetti. Les émetteurs assujettis doivent aussi éviter d’utiliser un style de présentation (p. ex., texte gras et souligné) qui met en évidence une mesure financière déterminée au détriment de la mesure financière comparable.

Explication de la composition, de l’utilité et des fins – À proximité de la première mention d’une mesure financière déterminée, les émetteurs assujettis doivent présenter une explication de la composition de cette mesure, de son utilité pour les investisseurs et de toute autre fin à laquelle la direction en fait usage.

Par souci d’uniformité, le Règlement 52-112 impose aussi que l’emploi de certaines mesures financières déterminées s’accompagne d’un rapprochement quantitatif dans un format prescrit. Étant donné que les mesures financières déterminées ne font partie d’aucun référentiel d’information financière, il est parfois impossible de les comparer aux mesures utilisées par d’autres émetteurs ou dans d’autres secteurs d’activité. Bien que le Règlement 52-112 ne normalise pas l’emploi des mesures financières déterminées, il oblige les émetteurs à les utiliser de manière uniforme dans tous les documents d’information mis à la disposition du public. Tout changement relatif au calcul, à la désignation ou à l’utilité d’une mesure financière déterminée doit être communiqué et expliqué.

Intégration par renvoi

Dans le but de simplifier la présentation de l’information, le Règlement 52-112 permet que certaines informations à fournir soient intégrées par renvoi dans les documents d’information qui sont mis à la disposition du public, pourvu qu’il s’agisse d’un renvoi au rapport de gestion de l’émetteur assujetti. Un émetteur assujetti ne peut opérer un renvoi qu’à un rapport de gestion qui a déjà été déposé ou qui est déposé dans SEDAR au même moment que le document qui l’intègre par renvoi. En outre, un rapport de gestion ne peut intégrer par renvoi un autre rapport de gestion, car ces documents sont censés représenter la principale source des plus récents renseignements se rattachant aux mesures financières déterminées. L’emplacement exact de l’information intégrée par renvoi ou un hyperlien vers cette information doit être fourni, afin de simplifier les recherches des investisseurs, et les émetteurs assujettis doivent se conformer aux modalités d’intégration par renvoi énoncées dans le Règlement 52-112.

Date d’entrée en vigueur

Le Règlement 52-112 et les documents connexes devraient entrer en vigueur le 25 août 2021. Ils s’appliquent aux documents déposés relativement à un exercice se terminant après le 15 octobre 2021, pour les émetteurs assujettis, et après le 31 décembre 2021, pour les émetteurs non assujettis. Les documents du T4 2021 des émetteurs assujettis dont l’exercice prend fin le 31 octobre tombent sous le coup du Règlement, mais pas les documents du T3 2021 des émetteurs assujettis dont l’exercice prend fin le 31 décembre. Ces émetteurs assujettis doivent plutôt observer le Règlement à partir de leurs documents du T4 2021 (et profitent ainsi, dans les faits, d’un plus long délai de conformité).

Étant donné qu’un prospectus ordinaire définitif déposé après le 31 décembre 2021 doit être conforme au Règlement 52-112, si une entité dépose un prospectus ordinaire provisoire avant le 31 décembre 2021 mais ne prévoit déposer un prospectus ordinaire définitif qu’après le 31 décembre 2021, elle serait bien avisée de rédiger son prospectus provisoire conformément au Règlement 52-112. Elle s’évitera ainsi bien des maux de tête par la suite.

Dès l’entrée en vigueur du Règlement 52-112, tous les émetteurs assujettis seront légalement tenus de respecter les dispositions qui y figurent. Or, ils devront faire preuve de jugement au moment de déterminer la meilleure façon de se conformer à ces nouvelles exigences.

N’hésitez donc pas à communiquer avec un membre du groupe Marchés des capitaux ou du groupe Fusions et acquisitions de McMillan si vous avez des questions concernant l’application du Règlement 52-112.

par Leila Rafi et Ashley E. Brown (Étudiante en droit).

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2021

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