Le bout du tunnel! Les ACVM publient la version définitive du règlement sur la conduite commerciale en dérivés
Le bout du tunnel! Les ACVM publient la version définitive du règlement sur la conduite commerciale en dérivés
Le 28 septembre 2023, après plusieurs années de travail, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié le Règlement 93-101 sur la conduite commerciale en dérivés (le « Règlement »)[1] et l’Instruction générale relative au Règlement 93-101 sur la conduite commerciale en dérivés (l’« Instruction »). Le Règlement régit la conduite commerciale sur les marchés des dérivés hors cote afin de protéger les participants au marché, de réduire les risques et de renforcer la confiance qu’inspirent les marchés des capitaux canadiens.
Nous avons analysé la première version du Règlement et de l’Instruction pendant la période de consultation, dans ce bulletin (en anglais) d’avril 2017. Cette première version a été publiée le 4 avril 2017 pour une longue période de consultation de 150 jours.
Une deuxième version a été publiée le 14 juin 2018; parmi les principaux changements, on notait l’ajout du terme « opérateur en couverture commercial visé » à la définition de « partie admissible à un dérivé ». La période de consultation pour cette nouvelle version s’est étendue sur 90 jours, pendant lesquels 21 commentateurs se sont exprimés.
Une troisième version a été publiée le 20 janvier 2022; au nombre des principaux changements figuraient l’élimination du seuil de 10 millions de dollars applicable aux « opérateurs en couverture commerciaux admissibles » dans la définition de « partie admissible à un dérivé » et l’introduction d’une dispense pour les fournisseurs de liquidités étrangers relativement aux courtiers étrangers. La période de consultation pour la troisième version s’est étendue sur 60 jours, pendant lesquels 10 commentateurs se sont exprimés. Nous avons analysé cette version dans un bulletin paru en février 2022.
Dans la présente publication, au lieu de décrire l’ensemble du texte, nous nous contenterons de souligner les changements par rapport à la troisième version, qui faisaient suite aux commentaires reçus pendant la troisième période de consultation.
Principaux changements
Modification de la définition de PAD
La définition de « partie admissible à un dérivé » (« PAD ») est sans doute la disposition la plus importante du Règlement. Les obligations des courtiers en dérivés et des conseillers en dérivés à l’égard des PAD sont considérablement moins contraignantes que celles qui s’appliquent aux parties à un dérivé qui ne sont pas des PAD.
Auparavant, la définition de « PAD » comprenait les personnes et les sociétés, autres que les personnes physiques, qui étaient des « opérateurs en couverture commerciaux », sous réserve de certaines conditions. Dans sa dernière version, le Règlement élargit la définition aux entreprises individuelles qui respectent les conditions applicables à ces opérateurs. Il oblige par ailleurs les sociétés de dérivés à établir l’identité de l’opérateur en couverture commercial qui est une personne physique et à consigner la nature exacte de ses activités et des risques connexes. L’Instruction précise que la dispense applicable aux opérateurs en couverture commerciaux qui sont des personnes physiques ne doit pas servir dans le cadre des activités de placement personnelles d’une personne physique. Elle indique que les organismes de réglementation surveilleront le recours à cette dispense et feront le nécessaire pour empêcher une utilisation abusive.
L’Instruction prévient que les sociétés de dérivés pourraient ne pas se fier à une déclaration d’une partie à un dérivé voulant que celle-ci soit un opérateur en couverture commercial si elles ont « des motifs de croire qu’un lien raisonnable ne peut être établi entre la transaction et les risques commerciaux couverts par la partie à un dérivé ».
Deuxième changement notable à la définition de « PAD » : les volets concernant les actifs ne font plus référence à une déclaration sur la connaissance et l’expérience. Autrement dit, on se rapproche des lignes de démarcation claires permettant de déterminer le statut des entités comme les « clients autorisés » au regard de la législation canadienne en valeurs mobilières. Il suffit à la société de dérivés de vérifier le montant des actifs nets d’une entité ou des actifs financiers d’une personne physique; elle n’a pas à obtenir de cette entité ou personne physique une déclaration relative à sa connaissance ou à son expérience.
Dispense d’une partie des exigences applicables à certains montants notionnels relatifs à des activités en dérivés
Les courtiers en dérivés sont dispensés d’une partie des exigences du Règlement s’ils traitent seulement avec des PAD – et conseillent seulement des PAD –, et si le montant notionnel brut de leurs dérivés en cours ne dépasse pas un seuil établi. Cette dispense est modifiée à deux égards dans la dernière version du Règlement.
Premièrement, les courtiers en dérivés sur marchandises constituent l’un des deux types de courtiers en dérivés pouvant s’en prévaloir. Le seuil servant à établir l’admissibilité à la dispense d’un courtier en dérivés sur marchandises passe de 3 à 10 milliards de dollars canadiens (montant notionnel brut des dérivés en cours), ce qui augmente sensiblement le nombre de courtiers en dérivés sur marchandises admissibles à la dispense. Vu le caractère transfrontalier de la réglementation et des marchés des dérivés hors cote, cette modification vise l’harmonisation avec les dispenses accordées aux sociétés de dérivés sur marchandises dans l’Union européenne et aux États-Unis.
Deuxièmement, la dernière version du Règlement abaisse les exigences applicables aux courtiers en dérivés (les courtiers en dérivés sur marchandises dont le montant notionnel brut n’atteint pas 10 milliards et les autres courtiers en dérivés dont le montant notionnel brut n’atteint pas 250 millions) qui peuvent se prévaloir de la dispense relative au montant notionnel.
Les courtiers en dérivés se prévalant de la dispense sont désormais exemptés de toutes les obligations au titre du Règlement, sauf celles de transmettre un avis d’exécution de la transaction [article 28] et d’assurer un traitement équitable [article 9], ainsi que l’exigence relative aux conflits d’intérêts [article 10]. Dans la version précédente, les courtiers en dérivés n’étaient dispensés que des obligations applicables aux hauts dirigeants.
Instruments de change à court terme
L’Instruction confirme en toutes lettres que l’inclusion dans le Règlement des contrats de change à court terme sur le marché des changes de gros vise à « se superposer » aux obligations que certaines sociétés de dérivés (de manière générale, les grandes banques canadiennes) respectent déjà en application de politiques internes de conformité ou du Code de bonne conduite global pour le marché des changes. Les organismes de réglementation n’ont pas l’intention d’inclure ces instruments, pour lesquels les sociétés de dérivés devraient demander des attestations ou des déclarations aux contreparties.
Exigences de déclaration de valorisation
C’est dorénavant tous les trois mois, et non tous les mois, que les conseillers en dérivés doivent remettre une déclaration de valorisation à une partie inadmissible à un dérivé ou à une partie admissible à un dérivé qui est soit une personne physique, soit un opérateur en couverture commercial admissible n’ayant pas rempli de renonciation, à moins que la partie à un dérivé exige des déclarations mensuelles.
Cela dit, les courtiers en dérivé demeurent tenus de faire des déclarations de valorisation quotidiennes à l’endroit d’une partie inadmissible à un dérivé ou d’une partie admissible à un dérivé qui est soit une personne physique, soit un opérateur en couverture commercial admissible n’ayant pas rempli de renonciation.
Dispense accordée aux conseillers inscrits
L’article 48 du Règlement dispense les conseillers inscrits en vertu de la législation en valeurs mobilières ou en contrats à terme sur marchandises de certaines obligations, énoncées en annexe F, s’ils se conforment aux exigences comparables de la législation en valeurs mobilières. L’Instruction indique en annexe B les dispositions de la législation en valeurs mobilières que les conseillers inscrits doivent respecter pour avoir droit à la dispense susmentionnée. Elle précise également que les conseillers en dérivés inscrits qui exercent des activités de conseils en dérivés doivent inclure les risques liés aux dérivés dans l’information sur les risques fournie en vertu de la législation en valeurs mobilières.
États étrangers spécifiés aux fins de la conformité de substitution
Le Règlement ajoute la Norvège et l’Islande à la liste des États étrangers où les sous-conseillers en dérivés, les conseillers en dérivés et les courtiers en dérivés étrangers peuvent invoquer les dispenses du Règlement. Les pays en question se sont dotés, dans le domaine des dérivés, de règlements axés sur les résultats qui se comparent au Règlement. Les ACVM prévoient que d’autres pays au régime comparable seront inclus ultérieurement.
Exigences de conservation des dossiers
Les dossiers pertinents doivent désormais être conservés pour les sept années suivant leur date de création, sauf au Manitoba, où la période de conservation est de huit ans. En phase avec le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites, cette modification lie la période de conservation à la date de création plutôt qu’à l’échéance de l’opération. Le Règlement ne modifie cependant pas les exigences de conservation qui découlent de la législation en valeurs mobilières, notamment les règles de déclaration des opérations sur dérivés hors cote.
Dispositions transitoires
Le Règlement modifie divers aspects des dispositions transitoires prévues au chapitre 8.
Ce dernier dresse la liste d’entités particulières reconnues comme des PAD durant la période de transition, laquelle débute le 28 septembre 2024 et prend fin le 28 septembre 2029. Ces entités seront reconnues comme telles durant cette période si elles adressent certaines déclarations à une société de dérivés avant la date de prise d’effet du Règlement. Plus précisément, elles auront jusqu’au 28 septembre 2029 pour confirmer à une société de dérivés qu’elles sont des PAD. La dernière version du Règlement ajoute des types d’entités à la liste, notamment les investisseurs qualifiés qui ne sont pas des personnes physiques en Ontario. Il s’agit d’une modification importante, puisque la définition d’« investisseur qualifié » comprend des parties qui ont nettement moins d’actifs que celles de toute autre catégorie.
Au titre du Règlement, les personnes physiques et les opérateurs en couverture commerciaux qui seraient autrement reconnus comme des PAD seront classés comme tels seulement s’ils renoncent aux protections spécifiées dans le Règlement en remettant à une société de dérivés une déclaration écrite à cet effet. Dans sa dernière version, le Règlement donne aux sociétés de dérivés un délai d’un an suivant la date de prise d’effet pour recevoir ces renonciations (qui doivent leur parvenir au plus tard le 28 septembre 2025). Durant cette période d’un an, les obligations fondamentales du Règlement continuent de s’appliquer.
Date de prise d’effet
Le Règlement et l’Instruction entrent en vigueur le 28 septembre 2024 (exactement un an après la date de publication) et ont été adoptés dans la totalité des provinces et territoires, sauf la Colombie-Britannique. La British Columbia Securities Commission entend publier un règlement essentiellement semblable dans l’avenir, qui devrait lui aussi prendre effet le 28 septembre 2024. À cette date, le Règlement aura valeur de règlement à l’échelle du pays.
Conclusion
Grâce à la publication du Règlement et de l’Instruction , les sociétés de dérivés peuvent poursuivre leur travail de conformité aux exigences en sachant qu’aucune autre modification ne sera apportée avant la date de prise d’effet. Elles peuvent compter sur nous pour les aider à comprendre leurs obligations ou instaurer des politiques et des procédures qui cadrent avec les exigences du Règlement.
Le Règlement et l’Instruction sont le fruit de nombreuses consultations avec les ACVM, les courtiers en dérivés, les conseillers en dérivés et les utilisateurs finaux. Bien que le Règlement impose un fardeau considérable aux sociétés de dérivés (le fardeau est nettement plus important que le laissait entendre l’avis qui accompagnait sa troisième version), les ACVM ont veillé à le limiter aux impératifs de la protection des parties à un dérivé.
[1] La Colombie-Britannique n’ayant pas encore publié sa version, le Règlement a actuellement valeur de norme multilatérale. La législation en valeurs mobilières de cette province exige que les dispenses s’accompagnent de renvois précis aux lois des États étrangers nommés, lesquelles sont en cours d’examen.
par Shahen A. Mirakian et Veronica Russo (stagiaire en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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