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Projet de règlement fédéral : les prêts commerciaux ne seraient plus assujettis au régime du taux d’intérêt criminel

8 janvier 2024 Bulletin sur les services financiers Lecture de 4 min

Le 23 décembre 2023, le gouvernement fédéral a présenté un projet de règlement[1] (le « projet de règlement ») qui marque un jalon important dans la transformation en cours du régime du taux d’intérêt criminel. Le projet de règlement jette un éclairage bienvenu sur les changements qu’Ottawa propose d’apporter au Code criminel au sujet des prêts qui risquent d’enfermer des consommateurs canadiens dans un cycle d’endettement. Il propose une approche ciblée pour lutter contre les spirales d’endettement chez les particuliers, sans intervenir dans les marchés des prêts commerciaux et des prêts sur gage.

Contexte

Le régime du taux d’intérêt criminel vise à empêcher des consommateurs de tomber dans un cercle vicieux d’endettement à taux élevé dont il devient sans cesse plus difficile de s’extraire. L’article 347 du Code criminel [2] définit le taux criminel comme tout taux annuel effectif (TAE) qui dépasse 60 %, ce qui équivaut à un taux annuel en pourcentage (TAP) de 48 % environ.

Depuis quelques années, le gouvernement fédéral se dit cependant préoccupé par le fait que des prêteurs à conditions abusives puissent cibler des particuliers vulnérables, notamment des personnes à faible revenu, des nouveaux arrivants et des personnes ayant un historique de crédit limité, en accordant des prêts à taux d’intérêt très élevés (même si les taux en question n’atteignent pas nécessairement le seuil qui les rendrait « criminels »).

Comme nous le notions dans notre mise à jour de juillet 2023 intitulée Interesting Changes to Interest Rates (en anglais seulement), Ottawa a proposé, dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023[3], deux changements importants au Code criminel : 1) désigner comme taux criminel un TAP plutôt qu’un TAE; et 2) faire passer le taux d’intérêt considéré comme « criminel » d’un TAE de 60 % à un TAP de 35 % (collectivement, les « modifications proposées »). Les modifications proposées sont importantes dans la mesure où elles représentent une première mise à jour majeure du régime du taux d’intérêt criminel en plus de 40 ans. Elles s’appliquent à la quasi-totalité des ententes de prêt – exception faite des prêts sur salaire, exclus du régime législatif en 2007. Elles entreront en vigueur à une date à déterminer qui sera fixée par décret du gouverneur en conseil.

Préciser l’intention des modifications

Les modifications proposées, très englobantes, auraient le potentiel de limiter la disponibilité du crédit pour des emprunteurs commerciaux qui préfèrent obtenir un financement « coûteux » que de se passer de financement. S’il est difficile de savoir combien d’emprunteurs obtiennent du financement par le biais de prêts à taux d’intérêt élevé, il convient de noter que la définition d’« intérêt » du Code criminel est large et englobe pratiquement tous les frais, y compris les agios, payés au prêteur. La portée du régime du taux criminel est donc plus étendue que celle à laquelle on pourrait s’attendre.

Dans le projet de règlement, le gouvernement reconnaît que les modifications proposées pourraient modifier certaines pratiques concernant les prêts commerciaux et les prêts sur gage, deux types de prêts qui n’enferment pas les Canadiens dans un cycle d’endettement. Il souligne que l’objectif est de réprimer les prêts à conditions abusives tout en évitant que les règles n’aient un effet dissuasif sur le marché des prêts commerciaux.

Pour préciser l’intention des modifications proposées, le projet de règlement propose trois exemptions notables :

  1. les prêts commerciaux de plus de 500 000 $ ne seraient pas assujettis au régime du taux criminel ni à aucun autre plafond de taux (en cela, le régime s’harmoniserait avec ceux du Royaume-Uni, de l’Irlande, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de certains États américains);
  2. les prêts commerciaux dont la valeur est supérieure à 10 000 $ mais ne dépasse pas 500 000 $ resteraient assujettis au régime du taux criminel, mais celui-ci serait désormais un TAP de 48 %;
  3. resteraient assujettis au régime les petits prêts garantis sans recours (communément appelés prêts sur gage) de moins de 1 000 $ pour lesquels le seul recours, en cas de défaillance de l’emprunteur, est la saisie du bien mis en gage; le seuil du taux « criminel » deviendrait un TAP de 48 %.

Les prêts commerciaux sont définis comme des prêts où i) l’emprunteur n’est pas une personne physique; ii) l’emprunteur a conclu la convention ou l’entente à des fins commerciales ou d’affaires; et iii) le montant du capital prêté est soit a) supérieur à 10 000 $ mais égal ou inférieur à 500 000 $, soit b) supérieur à 500 000 $.

Le projet de règlement précise que seuls les prêts de moins de 10 000 $, mais pas les prêts sur gage, seraient assujettis aux modifications proposées, qui feraient passer le taux considéré comme « criminel » à un TAP de 35 %. Cela rassurera les intervenants qui avaient dit craindre que les modifications proposées ne bloquent l’accès à des formes nécessaires de crédit et ne limitent la disponibilité du capital-risque, du capital-investissement et du financement de stocks automobiles, qui ne sont pas associés au risque d’enfermer des particuliers dans un cycle d’endettement.

Prochaines étapes et points à retenir

Le public et d’autres intervenants sont invités à commenter le projet de règlement dans le cadre d’une période de consultation de 30 jours actuellement en cours. Le projet de règlement entrerait en vigueur trois mois après la publication du règlement définitif, en même temps que les modifications proposées au Code criminel. Cette période de trois mois permettrait aux prêteurs d’adapter leurs opérations, y compris les systèmes informatiques, la signalisation et le marketing, pour respecter les nouvelles exigences.

Fait à noter, il y a lieu de penser que la version finale pourrait fixer le seuil du taux criminel encore plus bas.

En général, les conventions de crédit canadiennes ou auxquelles une entité canadienne est partie contiennent des clauses relatives à l’article 347 du Code criminel qui garantissent que le taux d’intérêt pratiqué n’est pas un taux criminel. Une fois le règlement en vigueur, il se pourrait que le marché canadien adapte son utilisation de ces clauses ou cesse carrément de les utiliser pour les prêts de plus de 500 000 $.

Si vous avez des questions sur ce bulletin ou souhaitez en savoir plus, communiquez avec l’un des auteurs ou avec un membre du groupe Services financiers de McMillan.

[1] La Gazette du Canada, Partie I, volume 157, numéro 51 : Règlement sur le taux d’intérêt criminel.
[2] Code criminel, LRC 1985, c. C-46, par. 347(1).
[3] Projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, 1resession, 44e législature 2023, par. 610(1).

par Darcy Ammerman et Steve Marmer

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2024

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