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Proposition de modifications importantes au régime de protection de l’environnement fédéral du Canada

Le 28 avril 2021 Bulletin en droit de l’environnement Lecture de 7 min

Le 13 avril 2021, le gouvernement du Canada a proposé des modifications importantes à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (la « LCPE »)[1] dans son Projet de loi C-28 intitulé Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé (les « Modifications »)[2].

Grâce à ces Modifications, le gouvernement espère moderniser le régime sur la protection de l’environnement du Canada, lequel n’avait pas été modifié de façon importante depuis plus de 20 ans. La LCPE est la principale loi par laquelle le gouvernement fédéral régit et protège l’environnement. La LCPE et les règlements pris en application de celle-ci régissent notamment le traitement et l’élimination des produits chimiques et des déchets dangereux, les émissions des véhicules et des moteurs, les sources de pollution, notamment de l’équipement, et la prévention et l’impact des situations d’urgence sur le plan d’environnement, comme le déversement d’hydrocarbures et de produits chimiques.

Le présent bulletin offre un aperçu des principales modifications proposées à la LCPE.

Le droit à un environnement sain et certains droits connexes

Il est important de noter que le Préambule des Modifications reconnaîtra officiellement le droit des Canadiens à un environnement sain. L’article 2 de la LCPE obligera le gouvernement à protéger ce droit lorsqu’il prend des décisions relatives à l’environnement[3].

Les Modifications énoncent les obligations particulières dont le gouvernement doit s’acquitter pour protéger ce droit, notamment l’élaboration d’un cadre de mise en œuvre précisant la façon dont ce droit sera pris en compte dans l’application de la LCPE et la réalisation de recherches, d’études ou d’activités de surveillance pour l’atteinte de cet objectif.

De plus, le Préambule énonce un certain nombre d’autres considérations, dont la confirmation de l’engagement du gouvernement de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la reconnaissance de l’importance de la prise en compte des personnes vulnérables, la réduction ou le remplacement de l’utilisation des animaux à des fins d’essai et le droit des Canadiens à avoir accès à l’information sur les étiquettes de produits.

Évaluation de l’impact des projets

En ce qui concerne les évaluations du risque sous le régime de la LCPE, selon les nouvelles dispositions, le gouvernement fédéral doit tenir compte des incidences sur les populations vulnérables et des effets cumulatifs possibles de la conduite proposée. Les populations vulnérables incluent des groupes de personnes ayant une plus grande sensibilité en raison de facteurs biologiques, comme des enfants, et des groupes dont les risques d’exposition sont plus élevés, comme les communautés autochtones. La prise en compte des effets cumulatifs de la conduite proposée est envisagée de manière globale par la prise en compte des risques d’exposition combinés à divers produits chimiques au quotidien plutôt qu’un simple examen des substances à titre individuel.

Gestion des produits chimiques

Le gouvernement fédéral a fait de la gestion des produits chimiques un objectif clé sous la nouvelle version de la LCPE.

Les Modifications proposent donc de revoir ce régime pour une meilleure protection des Canadiens contre les risques évolutifs liés aux produits chimiques nocifs et à la pollution. À cette fin, le gouvernement a proposé des modifications de grande portée en matière d’évaluation du risque, de responsabilité publique, de gestion des substances toxiques et des nouvelles substances, lesquelles sont analysées ci-après.

Évaluation du risque

Le gouvernement doit tenir des consultations à l’égard d’un plan des priorités en matière de gestion des produits chimiques, puis élaborer et publier ce plan, lequel sera un plan intégré de gestion du risque lié à diverses substances chimiques qui sont actuellement utilisées au Canada. Le Plan établira les priorités pour la gestion des substances, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, dont les avis des parties prenantes et des partenaires, les commentaires du public, les effets sur les populations vulnérables, la toxicité de la substance, la capacité de la substance de perturber le système de reproduction ou le système endocrinien, et l’existence de solutions de rechange à la substance qui sont plus sécuritaires et plus durables[4]. Le gouvernement aura aussi le pouvoir d’adopter des règlements ciblés sur le plan géographique pour le traitement des « points chauds » de pollution.

En outre, les Modifications établiront un mécanisme par lequel toute personne peut soumettre une demande au ministre lui demandant d’évaluer une substance afin de déterminer sa toxicité et le risque qu’elle présente pour l’environnement. Le ministre doit fournir une réponse dans les 90 jours indiquant s’il a l’intention d’évaluer les substances ainsi que les raisons de sa décision.

Cadre de responsabilité publique

Les Modifications visent à accroître la transparence et la participation du public dans les évaluations des risques par le gouvernement pour la catégorisation et la gestion de produits chimiques potentiellement toxiques. À l’heure actuelle, la LCPE contient un cadre de responsabilité publique prévu à l’article 77 ainsi que des délais que doit respecter le gouvernement pour l’évaluation des substances aux articles 91 et 92. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent qu’à certaines évaluations du risque réalisées par le gouvernement comme celles liées aux substances figurant sur la liste intérieure qui, de l’avis du ministre, présentent le plus fort risque d’exposition pour les particuliers au Canada ou sont persistantes ou bioaccumulables. Les Modifications proposées visent à modifier l’article 77 afin d’étendre les mesures en matière de transparence et de responsabilité à toutes les évaluations de risque relatives à des substances toxiques ou susceptibles de l’être, à l’exception des évaluations des nouvelles substances[5].

Gestion des substances toxiques

Les Modifications proposées contiennent aussi des modifications importantes à la gestion des substances toxiques qui présentent le plus fort niveau de risque. À l’heure actuelle, les substances qui sont désignées comme toxiques sont ajoutées à une liste de substances toxiques figurant à l’Annexe 1 de la LCPE. Toutefois, selon les Modifications, cette liste sera partagée en deux catégories fondées sur une approche axée sur le risque :

  • La Partie 1 sera consacrée aux substances qui sont classifiées comme des substances qui présentent le plus fort niveau de risque, notamment des substances qui sont soit persistantes et bioaccumulables ou qui présentent une toxicité intrinsèque, y compris des seuils de toxicité liés aux effets cancérigènes, mutagènes ou neurotoxiques. Ces substances feront l’objet d’une gestion plus stricte, et la priorité ultime sera donnée à l’interdiction (qu’elle soit totale, partielle ou conditionnelle);
  • La Partie 2 sera consacrée aux autres substances toxiques qui continueront de faire l’objet d’une gestion des risques normale, la priorité étant donnée à la prévention de la pollution[6].

En prévoyant une telle division, on vise à prioriser l’interdiction des substances présentant le plus haut risque de toxicité par des aides et des mesures supplémentaires.

Les produits qui sont régis par d’autres lois fédérales particulières, comme les pesticides sous le régime de la Loi sur les produits antiparasitaires, ne sont pas visés par ces Modifications. Toutefois, les Modifications prévoient qu’un nouveau règlement ou texte réglementaire peut être adopté en application d’une loi fédérale pour l’exécution d’obligations prévues à la LCPE pour l’élaboration d’un instrument de gestion des risques, notamment en matière de santé, qui relèvera de la compétence du ministre de la Santé.

Nouvelles substances

En ce qui concerne l’approbation de nouvelles substances chimiques devant être utilisées au Canada, les Modifications proposées conféreront au gouvernement fédéral de nouveaux pouvoirs lui permettant de préciser les renseignements devant être fournis pendant le processus d’approbation ainsi que les délais pour ce faire[7].

Les Modifications proposées visent aussi la modification de la Loi sur les aliments et drogues (LAD)[8] afin de créer un régime d’évaluation et de gestion des risques pour l’environnement applicable aux drogues. L’objectif est pour le gouvernement de simplifier l’approche réglementaire pour les secteurs et industries en ce qui concerne l’évaluation et l’approbation de drogues en conférant au ministre de la Santé les pouvoirs lui permettant de tenir compte aussi des effets environnementaux des drogues. Ce nouveau régime éliminerait le dédoublement de procédure actuel consistant à solliciter l’avis du ministre de la Santé et du ministre de l’Environnement et du changement climatique et leur examen pour certains médicaments.

Nouvelles activités relatives à une substance

Les Modifications proposent des changements aux dispositions sur les nouvelles activités. Une nouvelle activité est une activité relative à une substance selon une quantité, une concentration ou dans des circonstances différentes qui sont susceptibles d’avoir un effet sur l’environnement ou la santé humaine. En vertu des Modifications, le ministre aura le pouvoir de modifier des éléments d’une nouvelle activité ou d’un avis au-delà de la SIGNIFICANT nouvelle activité en tant que telle. Ce changement peut inclure les données ou les renseignements qui doivent être fournis aux fins de leur évaluation avant que l’activité soit amorcée ou les délais pour la communication de ces renseignements. Les communications en aval seront aussi touchées, car le cédant d’une nouvelle substance doit aviser les cessionnaires des obligations devant être respectées, et le ministre sera en mesure d’ajuster l’ampleur de ces obligations aux catégories particulières de personnes qui doivent être avisées.

Pouvoir de forcer la communication de renseignements

Les Modifications renforceront aussi les pouvoirs du gouvernement en matière de communication des renseignements visés à l’article 71 de la LCPE en l’autorisant à préciser la nature et le genre de données qu’il exige des producteurs et distributeurs de produits chimiques.

En particulier, le gouvernement sera en mesure de préciser les méthodes de quantification des renseignements demandés ainsi que les procédures d’essai particulières et les pratiques de laboratoire suivies pour les essais par les sociétés auxquelles ces renseignements sont demandés[9]. Les Modifications limiteront aussi le recours aux demandes de confidentialité de la part des sociétés auxquelles le gouvernement demande de fournir des renseignements. Les sociétés qui souhaitent protéger les renseignements commerciaux confidentiels devront soumettre des demandes expliquant les raisons pour lesquelles le respect de la confidentialité est requis[10].

Effet

Ces modifications au régime environnemental du Canada sont susceptibles d’avoir une incidence importante sur un large éventail d’industries et d’entreprises dans divers domaines, comme la fabrication de produits chimiques, le pétrole et le gaz naturel, les produits pétrochimiques, les produits pharmaceutiques et les ressources naturelles.

Les sociétés qui exercent des activités ou planifient des projets régis par la LCPE devront garder à l’esprit que le gouvernement fédéral aura désormais un devoir explicite de protection du droit à un environnement sain lorsqu’il examine des demandes ou effectue des évaluations de projets, et de nouveaux outils pour la réglementation des produits chimiques. En outre, les droits des Autochtones auront un rôle à jouer (lequel doit encore être défini de manière complète) dans l’interprétation et l’application de cette nouvelle législation.

Les Modifications ont été présentées en première lecture le 13 avril 2021 à la Chambre des Communes du Canada. Si elles sont adoptées, elles entreront en vigueur à une date devant être fixée par le gouverneur en conseil.

[1] Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33.
[2] Projet de loi C-28, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé, Chambre des communes du Canada [Projet de loi C-28].
[3] Projet de loi C-28, préambule et article 2.
[4] Projet de loi C-28, article 16.
[5] Projet de loi C-28, article 21(1).
[6] Projet de loi C-28, articles 21(1) et 29.
[7] Projet de loi C-28, articles 24, 26, 41 et 43.
[8] Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F‑27.
[9] Projet de loi C-28, article 18.
[10] Projet de loi C-28, articles 49 et 50.

par Holly Sherlock, Julia Loney, Talia Gordner et Ralph Cuervo-Lorens

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2021

 

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