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Budget fédéral 2023 : compromis et concurrence – climat, carbone et contrats sur différence pour le carbone

29 mars 2023 Bulletin sur l'énergie Lecture de 6 min

Le budget 2023 du gouvernement fédéral (le « budget 2023 ») promet de nombreux investissements et incitatifs financiers destinés à lutter contre les changements climatiques et à favoriser la sécurité énergétique. Parmi les moyens privilégiés figurent les contrats sur différence, un outil d’investissement du Fonds de croissance du Canada (le « Fonds de croissance ») qui soutiendra des projets de croissance propres[1]. Les détails restent à préciser, mais Ottawa a annoncé dans le budget 2023 qu’il mènera des consultations sur « l’élaboration d’une approche générale des contrats sur différence pour le carbone », en vue de rendre la tarification du carbone plus prévisible et de fournir des garanties financières aux acteurs développant et déployant de nouvelles technologies. Selon le budget, ces contrats seront complémentaires à ceux déjà offerts par le Fonds de croissance[2].

Les contrats sur différence pour le carbone (« CDC ») sont un sous-groupe des contrats sur différence. Le présent bulletin présente sommairement les CDC, le rôle qu’ils joueront dans les efforts de décarbonation de l’économie canadienne et ce que les entreprises canadiennes doivent savoir concernant le budget 2023 et dans une perspective à long terme.

L’annonce promouvant le recours aux CDC découle de l’engagement du Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. La réduction des émissions de gaz à effet de serre (« GES ») nécessaire à la réalisation de cet objectif posera d’importants défis aux entreprises canadiennes. Par exemple, des investissements devront être faits pour stimuler l’innovation technologique, puis pour que les technologies nouvelles atteignent une envergure suffisante pour répondre à la demande. La plupart des entreprises peinent à estimer les revenus qu’elles pourraient tirer de la vente de réductions d’émissions de GES ou de crédits excédentaires, les prix du carbone de demain étant difficiles à prévoir. Cela tient notamment au fait que les avancements technologiques évoluent en parallèle et que les marchés du carbone, les investissements et les incitatifs fiscaux en sont encore aux premiers stades de leur développement.

En quoi consistent les CDC? 

Les CDC visent à pallier l’incertitude en comblant des manques d’ordre financier et réglementaire pour encourager le développement de technologies faibles en carbone et la réalisation de projets d’énergies renouvelables. Les CDC sont des contrats par lesquels le gouvernement et le cocontractant conviennent d’un prix fixe du carbone, valable pour une période déterminée. Pendant cette période, le cocontractant est autorisé à vendre des réductions d’émissions ou des crédits excédentaires générés par le projet, au prix fixé par le contrat. Ce dernier est un prix d’exercice par rapport au prix du marché du carbone. Si le prix du marché du carbone est supérieur au prix contractuel, le cocontractant verse l’excédent au gouvernement; s’il est inférieur au prix au contrat, le cocontractant empoche la différence. Le graphique ci-dessous illustre ce concept. Il montre que, sur la durée du contrat, le gouvernement paie la différence pendant les périodes où le prix d’exercice dépasse le prix du marché du carbone, tandis que le cocontractant paie la différence quand le prix du marché du carbone dépasse le prix d’exercice.

Il existe d’autres types de contrats appliqués au carbone et de contrats sur différence, mais ils ne sont généralement pas considérés comme des CDC s’ils n’emploient pas une méthodologie reposant sur un prix d’exercice.

Nouveaux sur les marchés canadiens, les CDC sont répandus en Europe. Au Canada, ils ouvrent des perspectives dans les secteurs de l’énergie renouvelable, pour des projets axés sur l’hydrogène, l’éolien ou le solaire, par exemple. Ils sont intéressants pour les producteurs et d’autres parties prenantes parce qu’ils garantissent un revenu fixe pour les crédits de carbone (réductions des émissions ou crédits excédentaires) que génèrent les projets.

Quelle est l’utilité des CDC?

En plus de servir d’outil de couverture à l’égard des prix futurs du carbone et de stabiliser les revenus tirés des projets d’énergie renouvelable, les CFC donnent de la crédibilité, sur le plan réglementaire, à des secteurs naissants. En effet, les gouvernements ont intérêt à favoriser le maintien de prix du carbone élevés pour que soit réduit le coût financier des CDC sous-jacents. Cela procure ensuite des garanties aux parties qui développent et utilisent des solutions innovantes, tant à l’égard du soutien apporté par l’État, que de l’existence de marchés pour l’énergie, les produits et les technologies en question.

Comme nous l’expliquions ci-dessus, les CDC sont un outil de plus dont le budget 2023 dote le Fonds de croissance pour aider le Canada à suivre la marche mondiale vers la décarbonation. Ils aideront aussi le Fonds de croissance à remplir son mandat d’« attirer des capitaux privés pour investir dans l’économie propre du Canada »[3]. On espère que les CDC encourageront les investissements dans l’économie propre tout en réduisant les risques connexes. Cela dit, comment s’opérera l’arrimage entre les CDC et les entreprises canadiennes?

En résumé, si un investisseur privé réduit la pollution ou contribue à cette réduction, il pourra obtenir des crédits carbone échangeables[4]. L’objectif est que la certitude entourant le prix suscite un afflux d’importants investissements provenant de l’étranger et du Canada au cours des 12 à 24 prochains mois. Avec le Fonds de croissance et les CDC, le Canada se met au diapason des États-Unis et des incitatifs prévus dans l’Inflation Reduction Act. Le Canada essaie donc de se positionner pour devenir un leader mondial concurrentiel et une grande puissance de l’économie verte[5].

En réponse au budget 2023, le président de l’Institut climatique du Canada, Rick Smith, s’est prononcé en faveur des CDC, réitérant que des investissements initiaux inférieurs contribueront à garantir la viabilité à long terme des projets de technologies propres[6]. Il convient d’ailleurs de souligner que les CDC ne s’adressent pas qu’aux projets d’envergure; des investissements dans plusieurs petits projets regroupés pourraient être admissibles à un CDC[7].

Quelles sont les limites des CDC? 

  • Les CDC seront probablement attribués pour des projets d’énergie renouvelable précis, et non pour des sources d’énergie renouvelable plus globalement.
  • Ils devront peut-être être adaptés à des secteurs ou à des territoires en particulier pour tenir compte de caractéristiques régionales. De plus, certains CDC pourraient refléter une collaboration fédérale-provinciale, en particulier s’il y a financement conjoint et partage des risques.
  • Les CDC garantissent le prix des crédits, mais pas leur volume. Ainsi, d’éventuels changements à la réglementation pourraient réduire le volume des crédits générés, même si le prix est garanti.
  • Les CDC peuvent imposer des restrictions sur les échanges ou d’autres conditions.
  • Les CDC ne tiennent compte que des revenus liés au carbone. Les autres revenus d’un projet doivent être pris en compte et chiffrés, et les risques connexes doivent également être pris en compte et atténués dans le cadre du portefeuille de contrats du projet.
  • Les règles du processus d’approvisionnement concurrentiel ou d’appel d’offres restent à déterminer. Le processus pourrait s’appliquer à des technologies précises ou avoir une portée élargie. Il pourrait aussi tenir compte des technologies utilisées à différents stades du cycle de vie de l’énergie : exploration et production, activités du secteur intermédiaire, activités du secteur en aval et fin de la durée d’exploitation ou remise en état (économie circulaire).
  • Les CDC peuvent être lourds sur le plan administratif, en particulier aux premiers stades.
  • Le gouvernement fédéral devra combiner les CDC avec d’autres outils contractuels et financiers pour assurer la compétitivité financière.

Conclusion

En augmentant la certitude entourant la valeur des investissements, le Canada pourrait voir son économie verte croître à un rythme exponentiel. Le budget 2023 jette les bases d’un cadre d’investissement qui permettra aux entreprises canadiennes de rivaliser dans un monde en décarbonation toujours plus concurrentiel. Les CDC ne sont toutefois qu’une composante du cadre mis en place dans ce budget. Ils n’accompliront pas à eux seuls la décarbonation de l’économie canadienne. Cependant, si l’on tient compte de l’ensemble des mesures du budget 2023 et des politiques fédérales, provinciales et municipales qui s’y ajoutent, les entreprises canadiennes devraient accueillir favorablement les leviers mis à leur disposition.

McMillan peut vous accompagner dans ce dossier

Présente dans les grandes régions du pays dont l’économie repose sur l’énergie, McMillan possède une vaste expérience de tous les aspects des projets d’énergie renouvelable, qu’il soit question de contrats sur différence liés aux marchandises, de réduction des émissions de carbone, de projets environnementaux et énergétiques ou de financement et de fiscalité. Notre cabinet a toute l’expertise nécessaire pour répondre à vos questions sur les CFC ainsi que sur le budget 2023 et son incidence sur vos activités. McMillan Vantage se fera un plaisir de vous accompagner dans le cadre des consultations une fois qu’elles seront officiellement annoncées. N’hésitez pas à communiquer avec nous pour en savoir plus.

[1] Voir Budget 2023 – Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère, p. 100.
[2] Le Fonds de croissance du Canada est une filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada (CDEV), une société d’État fédérale relevant du ministre des Finances. Il acquiert, détient et gère des actifs stratégiques et offre diverses solutions de financement. Pour en savoir plus : Fonds de croissance du Canada.
[3] « Le plan canadien : une énergie abordable, de bons emplois et une économie propre en croissance » (28 mars 2023), en ligne : gouvernement du Canada.
[4] Steve Scherer, « Exclusive: Canada budget sees contracts for difference for large clean-tech project –source » (27 mars 2023), en ligne : Reuters.
[5] Id.
[6] Voir Le budget 2023 est un plan solide pour maintenir la compétitivité du Canada (28 mars 2023).
[7] Voir Qu’est-ce qu’un contrat sur différence? (23 mars 2023).

par Julia Loney, Mike Richmond et Ryan Johnson (stagiaire)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

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