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Conflits d’intérêts : les ACVM et l’OCRI fournissent des indications fondamentales aux personnes inscrites

16 août 2023 - Investment Funds & Asset Management Bulletin Bulletin sur les fonds d'investissement et la gestion des actifs Lecture de 8 min

Le 3 août 2023, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») et l’Organisme canadien de réglementation des investissements (l’« OCRI ») ont publié l’Avis conjoint 31-363 du personnel – Réformes axées sur le client : examen des pratiques en matière de conflits d’intérêts des personnes inscrites et indications supplémentaires (l’« Avis »), qui contient les résultats très attendus d’un vaste examen de la conformité des courtiers, des gestionnaires de portefeuille et des gestionnaires de fonds d’investissement inscrits mené en 2022. L’Avis traite de la conformité aux obligations en matière de conflits d’intérêts instaurées le 30 juin 2021 par les réformes axées sur le client (les « RAC »). Ces réformes ont introduit un resserrement important des obligations encadrant la conduite des personnes inscrites en modifiant le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (« Règlement 31-103 ») et les règles correspondantes applicables aux membres de l’OCRI.

L’Avis résume les conclusions d’examens de la conformité menés auprès de 172 sociétés inscrites comme gestionnaires de fonds d’investissement, gestionnaires de portefeuille, courtiers sur le marché dispensé ou courtiers en épargne collective, ou dans une combinaison de ces catégories. Fait à noter, des lacunes relatives aux politiques ou aux pratiques liées aux conflits d’intérêts ont été observées pour 135 (78,5 %) des sociétés examinées, qui ont dû prendre des mesures correctives.

Voir aussi notre sur les résultats de l’examen de la conformité de 2022 de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique (le « rapport de la Colombie-Britannique »), qui analyse les conclusions des examens qu’a réalisés cette commission en particulier.

Repérer et traiter les conflits d’intérêts importants

Selon les obligations instaurées par les RAC, les personnes inscrites doivent prendre des mesures raisonnables pour repérer les conflits d’intérêts importants existants et raisonnablement prévisibles, pour ensuite les traiter au mieux des intérêts du client. Si un conflit d’intérêts ne peut être traité au mieux des intérêts du client, il doit carrément être évité. Bien que la déclaration des conflits d’intérêts soit obligatoire, elle ne suffit pas, à elle seule, pour qu’une personne inscrite remplisse ses obligations. Chaque personne inscrite doit prévoir dans ses politiques et procédures des contrôles assurant un traitement adéquat de chaque conflit d’intérêts important repéré. Un grand nombre des problèmes de conformité exposés dans l’Avis découlent de l’absence de contrôles adéquats au-delà de la déclaration.

L’Avis cite les exemples suivants de conflits d’intérêts importants qui n’ont pas été déclarés adéquatement ou qui n’ont pas été traités adéquatement au moyen de contrôles :

  • Mécanismes de rémunération et mesures incitatives : Certaines sociétés examinées avaient omis de déclarer le conflit d’intérêts important qui peut survenir quand une personne physique inscrite est rémunérée par un mécanisme pouvant avoir un effet défavorable pour le client, par exemple lorsque la rémunération est liée à des frais facturés au client. La personne peut alors être portée à agir au détriment du client, par intérêt personnel. L’Avis donne quelques exemples de contrôles que des sociétés ont mis en place pour traiter ce type de conflit d’intérêts : la révision annuelle de la rémunération des personnes physiques inscrites, la séparation entre les décisions relatives à la sélection des placements ou à la constitution des portefeuilles et les personnes physiques devant atteindre des cibles générales d’augmentation du chiffre d’affaires, de même que l’examen régulier des comptes clients lorsque les résultats touchent la rémunération des personnes physiques inscrites. Le rapport de la Colombie-Britannique contient des indications additionnelles sur les bonnes pratiques de rémunération.
  • Rémunération reçue de tiers : Certaines sociétés avaient omis d’établir qu’il y a risque de conflit d’intérêts important lorsque la vente d’un produit entraîne le versement d’une rémunération à la société par un tiers. L’Avis note que de tels paiements peuvent jouer sur la sélection des produits que la société intègre dans sa gamme de produits ou sur la décision d’investissement du client. En plus de déclarer le conflit, les sociétés devraient être en mesure de démontrer que les recommandations aux clients reposent sur la qualité des titres, sans égard à la question de la rémunération.
  • Produits exclusifs : Certaines sociétés examinées n’avaient pas su reconnaître le conflit d’intérêts important qui se pose lorsqu’une personne inscrite effectue des opérations sur des produits exclusifs. Au-delà de la question de la déclaration, l’Avis indique que les personnes inscrites qui sont dans cette situation devraient effectuer un contrôle diligent des produits non exclusifs comparables pour évaluer si leurs propres produits exclusifs sont concurrentiels, et refuser les clients à qui ces produits ne conviennent pas.
  • Disparités dans les frais facturés aux clients : Certaines sociétés examinées n’avaient pas relevé que la multiplicité des barèmes de frais pourrait constituer un conflit d’intérêts important dans certaines circonstances, notamment lorsqu’un client se voit facturer des frais plus élevés qu’un autre pour les mêmes produits ou services. Si les frais facturés peuvent varier d’un client à l’autre dans certaines circonstances (en raison de la taille du compte ou de la structure tarifaire, par exemple), l’Avis indique que d’autres facteurs, comme la situation géographique des personnes physiques inscrites ou leur niveau hiérarchique, ne justifient pas l’application de barèmes différents et peuvent créer un conflit d’intérêts important. Nonobstant ce qui précède, les autorités convenaient que, lorsqu’une société offre ses produits et services uniquement à des clients autorisés qui ne sont pas des personnes physiques, situation dans laquelle il est monnaie courante pour les clients de négocier les frais, il n’y a pas de conflit d’intérêts important.
  • Rémunération au niveau de la supervision : Certaines sociétés examinées ne jugeaient pas problématiques les situations où la rémunération du superviseur ou du directeur de succursale est liée aux ventes et au chiffre d’affaires des personnes physiques inscrites qu’il supervise. En pareil cas, le superviseur peut être porté à stimuler les ventes sans égard à ce qui servirait au mieux les intérêts du client, ce qui donne lieu à un conflit d’intérêts important. Les autorités recommandent aux personnes inscrites de veiller à ce que la majorité de la rémunération des personnes responsables de la supervision ne soit pas liée au chiffre d’affaires généré par les personnes physiques inscrites ou les succursales qu’elles supervisent, et d’établir un faible niveau de rémunération sous forme de prime par rapport au salaire de base.
  • Fonction d’administrateur : Certaines sociétés ne déclaraient pas les cas où une personne physique inscrite était membre du conseil d’administration d’un émetteur dont la société plaçait les titres ou fournissait des conseils à leur égard. Il y a alors conflit d’intérêts important, parce que les obligations de la personne envers son client sont en contradiction avec son devoir fiduciaire à l’égard de l’émetteur dont elle est l’administrateur. L’Avis propose un certain nombre de contrôles à appliquer dans ces cas, notamment restreindre la rémunération que peuvent accepter les administrateurs et exiger que l’administrateur démissionne si le conflit d’intérêts important ne peut être traité au mieux des intérêts des clients.
  • Ententes d’indication de clients : Certaines sociétés n’appliquaient pas de contrôles adéquats aux ententes d’indications de clients. Il est ici question des situations où une personne inscrite verse une commission d’indication à une autre partie (« indication de clients provenant d’autres entités ») ou reçoit une commission d’indication pour avoir indiqué un client à une autre partie (« indication de clients à d’autres entités »). Selon l’Avis, la plupart des personnes inscrites jugeaient que les indications à d’autres entités constituaient un conflit d’intérêts important, mais bon nombre ne considéraient pas que les indications provenant d’autres entités en constituaient un. Les personnes inscrites doivent faire certaines vérifications pour s’assurer que les « indications de clients à d’autres entités » servent au mieux les intérêts des clients, notamment tenir compte de facteurs comme la situation financière de l’entité, ses compétences professionnelles et son dossier disciplinaire. Au sujet des « indications de clients provenant d’autres entités », l’Avis suggère des contrôles visant à garantir qu’aucun traitement préférentiel n’est accordé aux clients indiqués, et à vérifier que les activités des personnes physiques qui nécessitent l’inscription ne sont pas déléguées à l’agent d’indication de clients.
  • Opérations parallèles à celles des clients : Il a été observé que certains courtiers sur le marché dispensé autorisaient leur représentant de courtier à effectuer des opérations sur les titres de certains émetteurs parallèlement à leurs clients. Selon l’Avis, un conflit d’intérêts important peut alors se poser dans deux cas. Le premier est celui où l’offre de titres de l’émetteur est limitée; le représentant de courtier pourrait alors faire passer ses propres opérations avant celles des clients. Le deuxième est celui où un représentant apprend qu’un émetteur s’apprête à geler ou à plafonner les rachats; le représentant pourrait alors faire passer ses rachats avant ceux des clients. Selon les autorités, lorsque l’offre de titres de l’émetteur est limitée, les représentants ne devraient pas être autorisés à effectuer des opérations sur ces titres jusqu’à ce que tous les ordres des clients aient été exécutés, et les représentants ne doivent pas être autorisés à faire racheter leurs propres titres avant que tous les clients touchés se soient vu donner l’occasion de demander le rachat.
  • Cadeaux et divertissements : Si la plupart des sociétés examinées avaient relevé que les cadeaux et les divertissements entraînent un conflit d’intérêts important, les autorités notent qu’elles n’appliquaient pas toujours des contrôles adéquats. Les autorités suggèrent un certain nombre de contrôles. Parmi eux : interdire les cadeaux pécuniaires, tenir un registre de tous les cadeaux fournis et en faire le suivi, et fixer le montant maximal des cadeaux qui peuvent être acceptés ou donnés sur une période donnée. Ce type de conflit d’intérêts est aussi décrit comme problématique dans le rapport de la Colombie-Britannique.
  • Gestion et placement de produits exclusifs d’émetteurs : Certaines sociétés inscrites n’avaient pas de politiques adéquates pour repérer et traiter les conflits d’intérêts importants découlant de l’exécution de certaines activités pour des émetteurs dont elles gèrent et placent les titres exclusifs sous le régime d’une dispense de prospectus. Par exemple, certaines n’avaient fait réaliser aucune appréciation indépendante de la valeur de l’émetteur ou utilisaient des valeurs périmées pour le calcul des frais de gestion et des commissions de rendement. L’Avis propose notamment de retenir les services de ressources indépendantes, comme des auditeurs, pour vérifier la valeur des actifs et calculer les frais et la rémunération.

Formation et tenue de dossiers

En plus de devoir déclarer les conflits d’intérêts importants et mettre en place des contrôles, les personnes inscrites doivent former adéquatement leur personnel sur la marche à suivre quand un tel conflit survient. Selon l’Avis, la formation doit être adaptée aux activités commerciales de la société ou à sa taille et être donnée à toutes les personnes physiques qui en ont besoin. Elle doit aider les personnes à reconnaître les conflits d’intérêts importants, de même qu’expliquer la marche à suivre pour les déclarer et, si nécessaire, pour procéder à un transfert hiérarchique.

Les personnes inscrites doivent aussi être en mesure de prouver leur conformité à l’obligation de formation. Selon l’Avis, elles doivent tenir des dossiers (reproductions du contenu, registre des présences, etc.) leur permettant de démontrer qu’elles ont donné la formation. Les autorités notent par ailleurs qu’une personne inscrite devrait consigner, entre autres choses, les facteurs sur lesquels elle s’appuie pour déterminer l’adéquation entre un client et un profil d’investisseur, les éléments servant à déterminer si des produits exclusifs sont concurrentiels par rapport à d’autres offerts sur le marché ainsi que la liste des conflits d’intérêts importants qu’elle a repérés.

Déclaration des conflits d’intérêts

L’Avis donne également des indications sur la déclaration des conflits d’intérêts importants aux clients, en rappelant aux personnes inscrites leur obligation de décrire la nature et la portée du conflit d’intérêts, son incidence potentielle pour le client et le risque qu’il pourrait poser pour lui, de même que la façon dont le conflit d’intérêts important a été ou sera traité. Il note qu’une des meilleures manières de procéder à la déclaration au client consiste à exposer clairement chaque élément d’information requis en utilisant, par exemple, des intertitres ou des tableaux. Il ajoute que l’information préparée par une autre entité (y compris un émetteur plaçant des titres) ne libère pas une personne inscrite de son obligation d’informer les clients des conflits d’intérêts importants et des contrôles adéquats.

Conclusion

L’Avis s’ajoute à d’autres indications précieuses que les ACVM et l’OCRI donnent aux personnes inscrites pour les aider à se conformer à leurs obligations liées aux conflits d’intérêts aux termes du Règlement 31-103. Parmi les autres ressources à la disposition des personnes inscrites figurent l’Instruction générale 31-103, le rapport de la Colombie-Britannique et les Questions et réponses des ACVM. Ces ressources contiennent les informations nécessaires à la préparation de politiques et de procédures qui répondent aux préoccupations des ACVM et de l’OCRI. Les personnes inscrites devront, si ce n’est déjà fait, se préparer à des examens additionnels liés aux RAC qui se dérouleront en 2023.

Pour vérifier si vos politiques et procédures respectent les plus récentes exigences et indications des autorités, d’investissement et gestion d’actifs de McMillan, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe Fonds.

par Michael Burns, Leila Rafi, Jennie Baek et William Burke

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

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