Dossiers à suivre en droit de l’environnement (2024)
Dossiers à suivre en droit de l’environnement (2024)
Le droit de l’environnement continue de progresser rapidement. Ce court article vous présente certains des développements-clés à suivre en la matière au Québec en 2024.
Suite de la mise en œuvre du régime d’autorisation environnementale
Suivant l’entrée en vigueur à la toute fin de 2021 de l’obligation d’utiliser certains formulaires aux fins de demandes visant les autorisations ministérielles délivrées en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, les deux dernières années ont permis d’expérimenter de manière plus pratique les nouvelles exigences découlant de la mise en œuvre de la réforme du régime d’autorisation environnementale, entreprise en 2017.
Bien que certains irritants demeurent, et ce, à différentes étapes du processus, notamment au stade de la recevabilité, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a consacré des efforts notables afin de répondre à certains des commentaires exprimés par les promoteurs. Ceux-ci doivent néanmoins rester à l’affut, car le MELCCFP met régulièrement à jour les formulaires obligatoires.
Prélèvement d’eau : une augmentation des taux de redevance et une plus grande transparence
Au Québec, les entreprises de certains secteurs d’activités qui prélèvent des volumes d’eau au-delà d’un seuil fixé dans la règlementation sont assujetties au paiement d’une redevance. Des changements importants sont entrés en vigueur le 1er janvier 2024. Parmi ceux-ci, les taux de redevance payables ont été revues à la hausse. Ainsi, le taux de redevance est passé de 70 $ par million de litres d’eau à 150 $ par million de litres pour certaines entreprises qui incorporent de l’eau dans leurs produits, et de 2,50$ à 35$ pour les autres activités assujetties à la règlementation. En 2026, le seuil d’assujettissement à la redevance passera de 75 000 à 50 000 litres par jour. Les secteurs d’activités visés demeurent toutefois inchangés.
Par ailleurs, des données sur les prélèvements d’eau visés par le régime de déclaration obligatoire sont désormais accessibles sur le site internet du MELCCFP. On y indique notamment, en plus du nom du préleveur, les volumes mensuels et annuels d’eau prélevée ainsi que le nom du ou des cours d’eau visés.
Sols contaminés excavés : une redevance entre en vigueur et le mécanisme de traçabilité poursuit son implantation
Depuis novembre 2021, les déplacements de sols contaminés découlant de certains travaux d’excavation et atteignant certains volumes sont assujettis au système de traçabilité Traces Québec et des frais de 2 $ par tonne métrique de sols contaminés sont exigibles. Depuis le 1er janvier 2023, tout transport de sols découlant de ces travaux d’excavation, est assujetti aux règles, mais plusieurs obligations ne s’appliquent pas si le volume est de moins de 200 tonnes métriques dans le cadre d’un même projet. La mise en œuvre de ce système, dont l’objectif principal était de mettre fin à la disposition illégale de sols contaminés, a un impact concret sur la chaine d’intervenants impliqués dans la gestion de sols contaminés au Québec.
Depuis le 1er janvier 2024, des redevances d’un montant de base de 10,67$ sont applicables à certains sols contaminés excavés. Comme le régime vise à favoriser le traitement et la valorisation des sols contaminés plutôt que leur enfouissement, les sols qui font l’objet de certaines activités de traitement bénéficient d’un taux moins élevé (5$) et les sols valorisés de la manière prescrite dans le règlement applicable sont exemptés de redevances.
Des changements à la consigne élargie
Depuis le 1er novembre 2023, de nouveaux contenants sont assujettis à la consigne au Québec. Il s’agit notamment de contenants d’aluminium de jus, d’eau pétillante et de cidre, que plusieurs commerces doivent désormais accepter lorsqu’ils sont retournés par un consommateur. Une deuxième phase d’élargissement, dont l’entrée en vigueur a été reportée au 1er mars 2025, assujettira un plus large spectre de contenants et exigera la mise en place de lieux de retour additionnels, avec une cible minimum de 1500 lieux.
Régime transitoire – Activités en milieux hydriques
Depuis le 1er mars 2022, un régime transitoire s’applique aux activités réalisées dans les milieux hydriques, notamment les rives, le littoral et les zones inondables. Ce régime transitoire, dont les modalités d’application se trouvent principalement dans le Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations, est une réponse du gouvernement aux inondations de 2017 et 2019. Ce régime remplace la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, dont certaines lacunes avaient été identifiées, en instaurant un régime d’autorisation municipale pour les activités réalisées dans ces milieux, qui se veut plus uniforme. Il énonce également certaines normes à respecter dans le cadre de telles activités.
L’échéancier relatif au régime « permanent » demeure incertain, mais le MELCCFP a indiqué à l’automne 2023 que les nouvelles règles entreraient en vigueur de manière graduelle et qu’il n’attendra pas que la cartographie des zones inondables, laquelle est toujours en cours, soit complétée.
Bourse du carbone
Des changements importants au système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) de gaz à effet de serre (GES), communément désigné « bourse du carbone », s’appliquent depuis le 1er janvier 2024. En particulier, les allocations gratuites d’émissions versées à certaines entreprises assujetties (principalement dans le secteur industriel) diminuent progressivement. Toutefois, une portion de cette réduction de l’allocation gratuite peut être mise en consigne et pourra être utilisée par l’émetteur concerné pour financer des projets de réduction de ses émissions de GES.
Les entreprises assujetties au SPEDE ont intérêt à se familiariser avec ces changements, qui sont susceptibles d’avoir un impact important aux plans financier, technique et règlementaire.
Des changements potentiellement importants sont par ailleurs en cours d’étude par le gouvernement du Québec pour des années subséquentes, notamment afin de favoriser l’atteinte des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030 et 2050.
L’assujettissement des activités de séquestration de carbone au régime du SPEDE est par ailleurs envisagée.
Puisque le SPEDE a été reconnu par le gouvernement fédéral comme étant équivalent au système de tarification du carbone fédéral, le système fédéral ne s’applique pas aux établissements situés au Québec.
Les municipalités de plus en plus actives
On note une tendance à une plus grande action des municipalités en matière de protection de l’environnement. C’est le cas notamment de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui regroupe 82 municipalités représentant environ la moitié de la population du Québec. Au printemps 2022, la CMM a adopté un règlement de contrôle intérimaire interdisant toute construction, tout ouvrage, tous travaux ou toute activité dans les milieux terrestres et humides « d’intérêt métropolitain » et dans l’habitat de la rainette faux-grillon, sauf exceptions prévues. L’impact pratique de ce règlement a été de geler le développement du projet sur un grand nombre de terrains dont certains avaient jusque-là un potentiel important de développement. Cela a entraîné une perte de valeur considérable pour certains de ces terrains sans pour autant que le règlement ne prévoit de mécanisme de compensation pour les leurs propriétaires. La CMM a également adopté en 2022 un règlement de contrôle intérimaire visant spécifiquement à prohiber le développement de terrains de golf présentant un potentiel de reconversion en espace vert ou un milieu naturel. Ces deux règlements, qui devraient rester en vigueur jusqu’à l’entrée en vigueur du prochain Plan métropolitain d’aménagement et de développement, font l’objet de plusieurs contestations devant les tribunaux à l’égard de projets situés dans plusieurs municipalités de la CMM, que nous suivrons en 2024.
Par ailleurs, des changements importants en matière d’expropriation ont été adoptés à l’automne 2023 et sont en vigueur depuis le 1er janvier 2024. En matière d’environnement, une atteinte au droit de propriété qui résulte d’un acte d’une autorité municipale fait légalement en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et qui vise la protection de milieux humides ou hydriques ou de certains autres milieux ne peut désormais plus faire l’objet d’une indemnisation. Ces changements viennent grandement restreindre la portée de la jurisprudence qui s’était développée en matière d’expropriation déguisée dans un contexte de mesures de conservation prises par une autorité municipale.
Certaines municipalités souhaitent par ailleurs agir en matière de manière lutte contre les changements climatiques en adoptant des normes visant plus spécifiquement la conception, la construction et l’opération de bâtiments[1]. D’autres municipalités encadrent maintenant davantage l’utilisation de l’eau[2].
Débats constitutionnels
En octobre 2023, la Cour suprême du Canada a conclu que plusieurs dispositions de la Loi sur l’évaluation d’impact fédérale étaient inconstitutionnelles. Le gouvernement fédéral se penche maintenant sur des amendements à cette loi afin de répondre aux conclusions de la cour et ainsi restreindre la portée de cette loi. Ces amendements auront notamment un impact sur certains projets de ressources naturelles et d’énergie. Rappelons qu’au Québec, certains projets sont assujettis à la fois au régime d’évaluation d’impact fédéral et à celui prévu par la Loi sur la qualité de l’environnement.
Les tribunaux se sont également penchés en 2023 sur la légalité de certaines initiatives du gouvernement fédéral en matière de plastique. En novembre, la Cour fédérale a invalidé le décret du gouvernement du Canada en vertu duquel les articles manufacturés en plastique avaient été ajoutés à la liste de l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement en raison de leur toxicité. La cour a conclu que le gouvernement fédéral n’avait pas démontré que la catégorie d’articles répondait dans son ensemble au critère de toxicité de cette loi. Le gouvernement fédéral a porté cette décision en appel et la Cour d’appel fédérale a accepté de suspendre l’application de la décision jusqu’à ce qu’elle rende son jugement. Par conséquent, les articles manufacturés en plastique figurent toujours à l’annexe 1 et le Règlement interdisant les plastiques à usage unique demeure en vigueur.
Mines et énergie
Des changements importants au régime applicable à la production et à la distribution de l’énergie au Québec seraient envisagés par le gouvernement du Québec, dans le contexte du manque de capacité anticipé au cours des prochaines années. Par ailleurs, suivant une consultation en 2023 et dans le contexte d’une pression soutenue de certaines collectivités locales, le gouvernement pourrait proposer des modifications au régime minier. Nous suivrons ces développements.
[1] Voir notamment l’arrondissement du Sud-Ouest de Montréal, qui assujettit la délivrance d’un permis de construction relatif à certains projets à un facteur de résilience climatique (Règlement modifiant le Règlement d’urbanisme de l’arrondissement du Sud-Ouest (01 280) et le Règlement sur le respect, le civisme et la propreté (RCA11 22005) pour une transition écologique – phase 3 et autres correctifs (01-280-65)). Nous vous référons également à notre article à ce sujet : L’arrondissement du Sud-Ouest de Montréal imposera un facteur de résilience climatique à certains projets immobiliers – McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.
[2] Voir notamment le Règlement No 255 « Concernant l’utilisation de l’eau » de la Ville de Sorel-Tracy adopté le 6 novembre 2023.
Par Martin Thiboutot
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision. Il est préférable d’obtenir un avis juridique spécifique.
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