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Sanctions administratives pécuniaires : les organismes de réglementation augmentent la pression sur les entreprises

19 mars 2024 Bulletin sur l'environnement Lecture de 7 min

Les organismes de réglementation canadiens ont de plus en plus recours aux sanctions administratives pécuniaires (SAP) pour corriger toute forme de non-conformité à la loi ou la réglementation. Le présent bulletin explique ce que les SAP sont et les mesures à prendre lorsqu’on est visé par une SAP.

Que sont les SAP?

Les SAP sont des peines qui visent principalement à dissuader les entreprises et les particuliers d’enfreindre la loi à l’aide de sanctions pécuniaires.

Les sanctions administratives pécuniaires sont imposées directement dans un cadre réglementaire à titre d’alternative et/ou de complément aux poursuites pénales, sans nécessiter un passage devant une cour ou un tribunal administratif. L’attrait principal de ces sanctions pour les organismes de réglementation réside dans la rapidité de leur application. Généralement, lorsque les organismes de réglementation évaluent si une SAP est appropriée, ils tiennent compte de facteurs comme la nature et la gravité de la contravention, les facteurs aggravants, la durée de la contravention, l’adoption de mesures préventives et d’atténuation et tout gain économique découlant de la contravention, tout en s’assurant que la SAP ne soit pas de nature punitive. [1]

Pour les organismes de réglementation, les SAP constituent un outil plus rapide, souple et économique que les poursuites pénales ou quasi pénales traditionnelles. Bien que ce type de sanctions existe depuis de nombreuses années (notamment dans le domaine de la protection de l’environnement au niveau fédéral), leur portée et leur utilisation se sont étendues, car les organismes de réglementation souhaitent agir de manière opportune dans le cadre de leurs activités d’application de la loi et trouver des solutions de rechange pratiques en présence d’un système judiciaire débordé.

Des SAP élevées confirmées par les tribunaux

Bien que les SAP imposées par les municipalités, comme les amendes de stationnement, soient généralement peu élevées, les SAP imposées par les provinces et le gouvernement fédéral peuvent aller de montants minimes à des sommes considérables. Des SAP dans la fourchette supérieure ont été confirmées par les tribunaux.

Par exemple, les manquements à la Securities Act de l’Alberta ont entraîné des pénalités pouvant atteindre 1 million de dollars par infraction[2]. Par ailleurs, en vertu de la Loi sur Investissement Canada, les contrevenants se sont vu infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 10 000 dollars par jour[3], tandis que les tactiques commerciales trompeuses au sens de la Loi sur la concurrence ont entraîné des pénalités pouvant atteindre 10 millions de dollars[4].

Une utilisation répandue

On trouve aujourd’hui des SAP pratiquement partout : dans les réglementations fédérales, provinciales et municipales, et dans la plupart des secteurs réglementés.

Au niveau municipal, des SAP sont appliquées à l’égard de tout un éventail d’infractions, allant de la violation des règles de stationnement aux problèmes liés à l’octroi de licences d’exploitation. À l’échelle provinciale, le champ d’application des SAP est tout aussi diversifié et englobe des secteurs comme les valeurs mobilières, la protection de l’environnement et les élections. Par exemple, l’Ontario a présenté des propositions de remaniement des SAP environnementales prévues dans le cadre de lois telles que la Loi sur la protection de l’environnement et la Loi de 2002 sur la salubrité de l’eau potable[5].

Au niveau fédéral, vous trouverez des SAP dans des lois allant de la Loi sur la marine marchande du Canada à la Loi électorale du Canada. Voici quelques exemples de SAP au niveau fédéral :

  • Loi sur la sécurité automobile (niveau fédéral) : De nouvelles SAP ont été introduites le 3 octobre 2023[6]. Les amendes aux particuliers vont de 400 à 4 000 dollars, tandis que les entreprises peuvent se voir imposer des pénalités allant de 20 000 à 200 000 dollars[7]. Les amendes peuvent être imposées par véhicule, voire par jour, dans le cas des infractions continues[8]. Plusieurs facteurs ont une incidence sur l’imposition d’une SAP, notamment le risque posé par l’infraction, le degré d’intention ou de négligence du contrevenant, les avantages économiques tirés de la non-conformité, les mesures d’atténuation du préjudice, le degré de coopération avec Transports Canada et la manière dont la non-conformité a été détectée (par exemple, si elle a été signalée par le contrevenant lui-même)[9].
  • Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) : Les sanctions prévues par cette loi peuvent aller jusqu’à 5 000 dollars pour les particuliers et jusqu’à 25 000 dollars pour les autres entités. Le calcul de chaque SAP tient compte de la pénalité de base, des antécédents de non-conformité, de la nature du préjudice environnemental et de tout éventuel avantage économique tiré de la violation. Chaque jour durant lequel une infraction se poursuit est traité comme une infraction distincte, de sorte que les pénalités s’accumulent rapidement.
Les SAP dans le cadre de la LCPE

En 2022, Bell Canada s’est vu imposer une amende de 5 000 dollars en raison d’une fuite d’halocarbures provenant de son système de climatisation[10].

Dans une affaire plus médiatisée, Volkswagen a fait l’objet d’une SAP importante de 17,5 millions de dollars en 2020 à la suite du scandale des émissions polluantes de ses véhicules. Cette amende s’ajoutait à une autre amende colossale de 196 500 000 dollars imposée à Volkswagen après que la société eut plaidé coupable à 60 infractions au titre de la LCPE[11].

Gérer le processus des SAP

Le processus d’émission et de contestation d’une SAP comporte généralement cinq étapes :

  1. Remise d’un avis d’intention :L’organisme de réglementation délivre un avis d’intention à la partie contrevenante décrivant la contravention et le montant de la SAP et y indiquant les dates, le lieu et la gravité de l’incident, ainsi que les facteurs aggravants pris en compte. Dans certains cas, un avis d’intention peut ne pas être exigé par le règlement applicable, par exemple lorsqu’il n’y a qu’un seul manquement, qu’il est d’une gravité moindre ou qu’il ne dure qu’un jour[12].
  2. Réponse à un avis d’intention :La partie qui a reçu l’avis a la possibilité de fournir un contexte ou des renseignements supplémentaires sur la situation[13].
  3. Imposition d’une SAP :Après avoir évalué les renseignements fournis, l’organisme de réglementation décide d’imposer ou non la SAP[14].
  4. Processus de révision et d’appel d’une SAP :On peut demander au directeur (ou à une autre autorité compétente) d’examiner la SAP, pour qu’il la confirme, la modifie ou la révoque. Si le directeur confirme ou modifie la SAP, sa décision peut être contestée devant le tribunal administratif[15].
  5. Contrôle judiciaire, le cas échéant :En dernier recours, les entités peuvent demander un contrôle judiciaire de la décision du tribunal administratif.

Remise en cause d’une SAP : les possibilités qui s’offrent à vous

Bien qu’elles soient de nature administrative, les SAP peuvent avoir d’importantes conséquences financières et autres, comme une atteinte à la réputation. Souvent, les parties prenantes, le public ou les consommateurs ne font aucune distinction entre une SAP et une amende imposée par un tribunal aux termes d’un procès et d’une condamnation au criminel.

Il existe plusieurs voies de contestation d’une SAP.

  • Motifs de contestation relatifs à la procédure – l’agent n’a pas respecté les protections et obligations procédurales imposées par la loi applicable.
  • Motifs de contestations sur le fond – l’agent a commis une erreur de droit ou de fait parce que, par exemple, les faits n’établissaient pas les éléments d’une violation en vertu de la loi applicable, ou l’agent n’a pas correctement tenu compte des facteurs prévus par la loi dans sa décision d’imposer une SAP et dans la détermination du montant de celle-ci[16].
  • Motifs de contestations fondées sur une charte ou déclaration provinciale des droits– reposent sur le principe selon lequel une personne ne doit s’en voir privée que par l’application régulière de la loi[17]. Une SAP peut être considérée comme violant ce principe si la procédure administrative conduisant à l’imposition de la sanction est irrégulière ou injuste.
  • Motifs de contestations en vertu des articles 7, 8 et 11 de laCharte canadienne des droits et libertés– portant sur des questions comme le droit à un procès équitable, la présomption d’innocence, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, et les protections contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
  • Il est possible de se prévaloir de moyens de défense tels que la vérification diligente, l’erreur de fait raisonnable et honnête, l’erreur imputable à l’autorité compétente et l’abus de procédure, selon le régime législatif concerné[18].

À faire en cas d’avis de SAP : une approche stratégique

Lorsqu’on reçoit un avis de SAP, il est essentiel d’en comprendre la gravité. Traitez cet avis avec la même diligence qu’un avis reçu dans le cadre d’une enquête ou d’une poursuite d’un organisme de réglementation :

  • Obtenez immédiatement l’expertise d’avocats-conseils internes et/ou externes;
  • Conservez toutes les preuves pertinentes;
  • Faites valoir votre droit de garder le silence, au besoin;
  • Élaborez et mettez en œuvre des procédures internes exhaustives. Ces mesures devraient prévoir l’intervention en cas d’incident, l’avis, la communication, le signalement, les inspections et la gestion des mandats de perquisition;
  • Ne négligez aucun détail. Assurez-vous de recueillir toute l’information pertinente de manière organisée;
  • Soyez attentif à toute indication d’éventuelles accusations d’infractions quasi criminelles relevée dans l’avis;
  • Passez en revue les interactions et les rapports antérieurs avec les organismes de réglementation relativement à l’avis;
  • Protégez les communications confidentielles et privilégiées;
  • Assurez-vous que les délais prévus par la loi sont respectés.

Par-dessus tout, rappelez-vous que l’organisme de réglementation dispose de plusieurs outils. L’avis de SAP n’en est qu’un. Préparez-vous et traitez chaque réponse non pas comme une communication professionnelle courante, mais comme un recours judiciaire officiel contre vous.

[1] Ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario « Guide des consultations sur le projet de règlement pour l’élargissement des pénalités administratives », à la p. 14.
[2] Lavallee v. Alberta (Securities Commission), 2010 ABCA 48 (en anglais).
[3] S. States Steel Corporation c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 176.
[4] Canada (Competition Bureau) v. Chatr Wireless Inc., 2013 ONSC 5315 (en anglais).
[5] Registre environnemental de l’Ontario, Élargir l’utilisation des pénalités administratives des infractions environnementales (dernière mise à jour : 9 novembre 2023).
[6] Se reporter au bulletin de McMillan concernant le régime des SAP en vertu de la Loi sur la sécurité automobile et de ses règlements d’application.
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] Bell Canada c. Canada, 2022 TPEC 6.
[11] R v. Volkswagen AG, 2020 ONCJ 398 (en anglais).
[12] Se reporter au bulletin (en anglais) de McMillan sur le régime des SAP applicables aux violations des lois environnementales en Ontario.
[13] Ibid.
[14] Ibid.
[15] Ibid.
[16] Par exemple, aux paragraphes 93 à 124 de Callaway v Office of the Election Commissioner, 2023 ABKB 233 (en anglais), un candidat politique condamné à une amende pour avoir contrevenu à l’Election Finances and Contributions Disclosure Act a fait valoir avec succès que le commissaire n’avait pas tenu compte de facteurs atténuants.
[17] Déclaration canadienne des droits, C. 1960, ch. 44, alinéa 1a).
[18] Par exemple, la vérification diligente n’est pas un moyen de défense offert par l’Environmental Management Act de la Colombie-Britannique, la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement du Canada ou la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire du Canada. Se reporter au paragraphe 69 de Mount Polley Mining Corporation v Environmental Appeal Board2022 BCSC 1483 (en anglais); à l’alinéa b) du paragraphe 11(1) de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnementL.C. 2009, ch. 14, art. 126; aux paragraphes 20 à 22 d’Agence des services frontaliers du Canada c. Castillo2013 CAF 271; au paragraphe 11 de Doyon c. Canada (Procureur général)2009 CAF 152.

par Ralph Cuervo-LorensTalia GordnerEmily Hush et Hamza Khan (stagiaire)

 Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis. Il est préférable d’obtenir un avis juridique spécifique.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s. r. l. 2024

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