Effervescence au sein du marché des capitaux du Canada : le point sur la vague de croissance dans le secteur des substances psychédéliques
Effervescence au sein du marché des capitaux du Canada : le point sur la vague de croissance dans le secteur des substances psychédéliques
Introduction
Les substances psychédéliques ont connu une renaissance au cours des dernières années, étant maintenant considérées comme un outil potentiel pour le traitement de certains problèmes de santé mentale, troubles de la douleur et troubles neurologiques. La recherche a mis en lumière les avantages potentiels des substances psychédéliques[1]. Il n’est donc pas surprenant de voir des sociétés se lancer à un rythme vertigineux dans ce marché, profitant des possibilités offertes d’amasser des fonds auprès d’investisseurs enthousiastes et de s’inscrire en bourse. La Bourse des valeurs canadiennes (la « CSE ») a eu fort à faire, ayant accueilli la majorité des nouvelles inscriptions.
Aperçu de la réglementation
En vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (la « LRCDAS »), les substances psychédéliques sont classées à titre de « substances désignées ». En vertu de la LRCDAS, les substances désignées sont régies par des annexes distinctes en fonction d’un certain nombre de facteurs. L’annexe I représente les substances qui, selon le gouvernement fédéral, présentent le plus grand risque d’utilisation abusive. La plupart des substances psychédéliques sont caractérisées comme des substances de l’annexe III (par exemple, LSD, psilocybine, psilocine, mescaline et DMT), à l’exception de la kétamine et de la MDMA, qui sont des substances appartenant à l’annexe I. Bien que la LRCDAS interdise la possession et la consommation des substances désignées, comme les substances psychédéliques, le ministre de la Santé (le « ministre ») peut accorder des exemptions pour des raisons médicales ou scientifiques, ou s’il estime que des raisons d’intérêt public le justifient, en vertu de l’article 56 de la LRCDAS (l’« exemption au titre de l’article 56 »), ou à des fins cliniques ou de recherche en vertu du Règlement sur les aliments et drogues (le « Règlement »)[2] et du Règlement sur les stupéfiants[3].
Pour obtenir de plus amples renseignements sur la question des substances psychédéliques et sur le cadre réglementaire pertinent au titre de la LRCDAS, veuillez consulter notre bulletin : Les substances psychédéliques et le cadre réglementaire canadien.
Les substances psychédéliques et les marchés financiers
Depuis le début de 2020, plus de vingt sociétés actives dans le domaine des psychédéliques sont devenues inscrites à la CSE, à la Bourse de croissance TSX (« TSX‑V ») et à la NEO Exchange (« NEO »). Plus des deux tiers de ces sociétés nouvellement cotées en bourse ont été inscrites dans le cadre d’une prise de contrôle inversée. En plus de ces nouvelles inscriptions, plusieurs autres sociétés ouvertes se sont lancées au sein du marché des psychédéliques en faisant l’acquisition de sociétés existantes œuvrant dans ce domaine ou en élargissant leurs activités respectives pour les inclure.
La majorité de ces sociétés ouvertes se concentrent sur la recherche, le développement et la commercialisation de psychédéliques à des fins médicales. Bien qu’elles soient moins courantes, certaines de ces nouvelles sociétés cotées en bourse exploitent des cliniques thérapeutiques, offrant une thérapie assistée au moyen de psychédéliques pour traiter toute une gamme de maladies mentales. Au moins trois de ces sociétés produisent et vendent également des produits contenant des « champignons fonctionnels », comme du café, du thé, des crèmes pour la peau et des produits de consommation semblables infusés de champignons. Les champignons fonctionnels sont fondamentalement différents des psychédéliques. En effet, ils ne contiennent pas de psilocybine ni d’autres ingrédients classés comme substances désignées au Canada ou aux États‑Unis. Ils sont souvent commercialisés pour aider à atténuer le stress, l’inflammation, pour contribuer à la perte de poids et atteindre des objectifs semblables, plutôt que pour le traitement des troubles de santé physique et mentale. Il est utile de comprendre la distinction.
Parmi les sociétés du secteur des psychédéliques qui ont tiré profit de la vague et qui se sont inscrites en bourse au Canada depuis le début de 2020, au moins deux ont obtenu des exemptions au titre de l’article 56 afin d’utiliser la psilocybine à des fins scientifiques. Au moins trois autres ont demandé une exemption au titre de l’article 56 ou ont annoncé leur intention de le faire. Mentionnons que certaines des sociétés qui sont cotées en bourse au Canada n’exercent pas leurs activités au Canada, de sorte qu’elles n’ont pas nécessairement besoin d’une exemption au titre de l’article 56.
Le point sur la réglementation
Programme d’accès spécial
Une proposition récente de Santé Canada vise à modifier le Règlement qui touche le Programme d’accès spécial (le « PAS »), ce qui pourrait ouvrir une autre voie permettant aux patients d’avoir accès à des médicaments, y compris des psychédéliques, qui ne sont pas autrement disponibles au Canada. Dans le cadre du PAS, le ministre peut, en vertu du Règlement, envoyer une lettre autorisant la vente de médicaments qui ne sont pas disponibles autrement à un praticien qui en a fait la demande. Au titre du Règlement, le terme « praticien » signifie une personne qui est autorisée à traiter des patients au moyen de médicaments d’ordonnance et qui exerce sa profession dans sa province[4]..En général, cela comprend les médecins.
Les modifications proposées auraient pour effet d’abroger certaines dispositions du PAS qui empêchent actuellement l’accès aux psychédéliques dans le cadre du programme[5]. En 2013, le gouvernement fédéral a apporté des changements au Règlement interdisant au ministre de délivrer des lettres d’autorisation en vertu du PAS pour les drogues d’usage restreint, lesquelles englobent le LSD, la psilocine et la psilocybine[6]. Le seul moyen pour un patient d’avoir accès à ces « drogues d’usage restreint » était au moyen d’une exemption au titre de l’article 56. Les modifications proposées par Santé Canada prévoient toutefois l’élimination de l’interdiction à l’égard des « drogues d’usage restreint ». Si la proposition est adoptée, les praticiens au Canada auraient un autre moyen de se procurer de la psilocybine ou de la psilocine au nom de patients atteints de maladies graves ou mettant leur vie en danger, sans qu’il soit nécessaire d’avoir un essai clinique.
Exemptions au titre de l’article 56
Le 4 août 2020, Patty Hajdu, ministre de la Santé, a accordé les premières exemptions légales connues du public pour la psilocybine à des fins médicales[7] à quatre patients atteints d’un cancer en phase terminale, leur permettant de recevoir un traitement à la psilocybine dans le cadre de leurs soins de fin de vie[8]. Après cette première exemption, la ministre en a accordé une foule d’autres, tant pour des raisons de recherche que pour des raisons cliniques, augmentant considérablement la consommation de psilocybine au Canada. Par conséquent, on a constaté une hausse considérable des activités autorisées dans ce domaine.
Les quatre exemptions accordées en août 2020 étaient des exemptions cliniques. Elles ont été suivies de plus de vingt autres exemptions cliniques[9]. Bien que la plupart des exemptions cliniques accordées par la ministre visaient les soins palliatifs, au moins une exemption a été accordée à un ancien patient atteint de cancer, ce qui constitue la première exemption à des fins autres que des soins palliatifs accordée en vertu de la LRCDAS[10]. Par conséquent, bien que la consommation clinique de psilocybine demeure principalement réservée aux patients en soins palliatifs, la consommation de cette substance connaît une hausse graduelle. De plus, un certain nombre de professionnels de la santé, dont des psychologues, des psychiatres, des conseillers cliniques, des travailleurs sociaux, des omnipraticiens et des infirmiers, se sont vu accorder des exemptions pour participer à un programme de formation sur les thérapies à la psilocybine d’une durée de dix semaines, dirigé par TheraPsil, un organisme sans but lucratif de la Colombie‑Britannique[11]. Dans le cadre de ce programme, les travailleurs de la santé participants pourront se concentrer sur la façon de faciliter les thérapies légales assistées par la psilocybine, en partie en subissant leur propre expérience guidée pour mieux comprendre le processus que devront suivre leurs propres patients. En ce qui a trait aux exemptions au titre de l’article 56, les sociétés du secteur des substances psychédéliques ont cherché à accroître leur capacité de produire de la psilocybine et d’autres substances psychédéliques à des fins cliniques et de recherche, par l’entremise du régime d’octroi de licences de Santé Canada[12].
La recherche revêt une grande importance pour l’acceptation croissante de l’utilisation des psychédéliques à diverses fins médicales. En plus des exemptions cliniques, Santé Canada a accordé un certain nombre d’exemptions aux établissements pour qu’ils mènent des recherches sur les champignons de psilocybine. Plusieurs sociétés au Canada ont récemment annoncé avoir obtenu auprès de Santé Canada des exemptions au titre de l’article 56, afin de mener des recherches précliniques. Certaines de ces sociétés ont notamment annoncé dernièrement des progrès réalisés grâce à de telles recherches.
Ce qui nous attend
Bien qu’il y ait eu une augmentation du nombre de sociétés œuvrant dans le domaine des substances psychédéliques au sein des marchés financiers canadiens et une hausse des exemptions accordées par Santé Canada au titre de l’article 56, ce secteur demeure fortement réglementé au Canada, et les mécanismes qui régissent les marchés des capitaux sont complexes. Les sociétés souhaitant exercer leurs activités dans ce domaine, recueillir des fonds et être inscrites à une bourse canadienne devront respecter des exigences de conformité. Il leur est donc fortement recommandé de consulter des conseillers juridiques qui ont de l’expérience à cet égard pour bien composer avec les complexités de la réglementation. Le renouveau que connaît actuellement le secteur psychédélique semble avoir rendu le public investisseur plus à l’aise d’appuyer les efforts de financement des entreprises de ce secteur, surtout en comparaison de la façon dont les substances psychédéliques étaient perçues par le passé. Toutefois, les applications qu’envisagent ces sociétés relativement à ces substances pour le traitement de l’anxiété, du trouble de stress post‑traumatique, de la toxicomanie, des traumatismes cérébraux, de l’épilepsie ou de tout autre trouble physique ou mental en sont à leurs premiers stades et feront probablement l’objet d’autres avancées importantes à mesure que d’autres recherches et tests d’efficacité et d’innocuité seront effectués. Nous continuerons de suivre l’évolution du secteur des substances psychédéliques et de faire le point sur l’évolution du contexte juridique et réglementaire.
[1] Ira Byock, « Taking Psychedelics Seriously» (2018), Journal of Palliative Medicine, 1er avril 2018; 21(4) : 417‑421, en ligne : Mary Ann Liebert, Inc., éditeurs.
[2] CRC, c 870 [RAD].
[3] CRC, c 1041.
[4] [RAD, supra note 2, partie C, div. 1, C.01.001.
[5] Gazette du Canada, partie I, volume 154
[6] Ibid, C.08.010(3).
[7] La première exemption accordée à l’égard des substances psychédéliques en général remonte à 2017, lorsque deux Églises de Montréal ont obtenu des exemptions pour utiliser l’ayahuasca dans le cadre d’un rite religieux.
[8] Alexandra Mae Jones, «Four terminally ill Canadians get special exemption to use psychedelic therapy » (4 août 2020) CTV News.
[9] Camille Bains, «Patient hopes Canada will introduce regulations for psychotherapy with ‘magic mushrooms’ » (18 janvier 2021), CBC.
[10] Cindy E. Harnett, « Former cancer patient find deep healing in psilocybin trip» (13 décembre 2020), Times Colonist.
[11] TheraPsil, «17 Canadian Healthcare Professionals Approved to Use Psilocybin for Professional Training » (8 décembre 2020) [Communiqué de presse].
[12] Karl Yu, «Lab expansion project in Nanaimo to aid magic mushroom, psychedelics research » (21 mars 2021), nouvelles locales, Colombie‑Britannique.
par Leila Rafi, Sasa Jarvis, Owen Gaffney et Cody Foggin (étudiant en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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