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Nouvelles infractions criminelles prévues par la Loi sur la concurrence interdisant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage : les conséquences sur votre contrat de franchisage

16 juin 2023 Bulletin Franchisage et distribution Lecture de 5 min

Le 30 mai 2023, après une période de consultation, le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a publié ses lignes directrices sur l’application des modifications à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») qui interdisent les accords de fixation des salaires et les accords de non-débauchage conclus entre employeurs non affiliés (les « lignes directrices »)[1]. L’objectif du paragraphe 45(1.1) est de protéger la concurrence sur les marchés du travail en interdisant les « restrictions pures et simples » à la concurrence, telles que les restrictions salariales ou à la mobilité professionnelle qui ne sont pas mises en œuvre dans le cadre d’une collaboration légitime, d’une alliance stratégique ou d’une coentreprise.

Le paragraphe 45(1.1), qui prévoit une nouvelle infraction criminelle, entre en vigueur le 23 juin 2023. À partir de cette date, les employeurs qui commettent l’infraction s’exposent à une amende ou à une peine d’emprisonnement pouvant atteindre 14 ans, ou aux deux, ainsi qu’à des poursuites en responsabilité civile intentées par un demandeur privé. La nouvelle infraction visera les nouveaux accords conclus entre employeurs non affiliés à compter du 23 juin 2023, et toute conduite qui, à compter de cette date, réaffirme ou met en œuvre des accords existants.

Bien que les lignes directrices ne traitent pas de toutes les questions que pourrait soulever l’application du paragraphe 45(1.1) en contexte de franchisage, elles fournissent néanmoins des renseignements cruciaux et éclaircissent certaines des questions abordées dans le projet de lignes directrices du Bureau publié le 18 janvier 2023. Cela dit, les lignes directrices ne constituent pas un exposé péremptoire du droit. Elles ne lient pas le Bureau ni le Service des poursuites pénales du Canada dans leur application discrétionnaire de la loi, pas plus qu’elles ne lient les demandeurs privés qui intentent une action civile en dommages-intérêts. Les franchisés y verront toutefois un instrument utile pour comprendre la nouvelle disposition et établir des pratiques exemplaires afin que leur réseau de franchises s’y conforme.

Pour obtenir de plus amples détails sur les lignes directrices, veuillez consulter notre récente publication ici.

Accords de non-débauchage

À première vue, le nouvel alinéa 45(1.1)b) interdit tous les accords de non-débauchage, de même que les clauses de non‑débauchage, entre employeurs non affiliés.

Souvent, dans un contrat de franchisage, le franchisé s’engage à ne pas débaucher les employés du franchiseur, en premier lieu, et ceux des autres franchisés, en second lieu. Il n’y a pas de lien contractuel entre chacun des franchisés dans un tel contexte (et il est rare que ces contrats confèrent aux autres franchisés un statut de tiers bénéficiaire qui leur permettrait de contraindre le franchisé qui est partie au contrat à respecter ces clauses). Or les franchisés ne sont probablement pas sans savoir que de telles restrictions s’appliquent à l’ensemble de leur réseau, étant donné que les modalités des contrats de franchisage sont habituellement plus ou moins imposées par le franchiseur.

Le Bureau reconnaît dans ses lignes directrices que certaines restrictions, telles que la clause de non-débauchage décrite plus haut, peuvent jouer un important rôle dans le modèle de franchise. En ce qui concerne la première restriction imposée au franchisé (ne pas débaucher les employés du franchiseur), le Bureau laisse entendre dans ses lignes directrices qu’il ne la considère pas comme tombant sous le coup de l’infraction prévue à l’alinéa 45(1.1)b), car elle est unilatérale (en ce sens que le franchiseur ne s’est pas engagé à ne pas débaucher les employés du franchisé). Quant à la seconde restriction (ne pas débaucher les employés des autres franchisés), d’après les lignes directrices, le simple fait qu’un franchisé ait conscience ou connaissance de contrats de franchise standard parallèles comportant des restrictions de non-débauchage ne soulèvera pas de préoccupations relatives à l’alinéa 45(1.1)b), à moins qu’il y ait une preuve d’une intention chez les franchisés de conclure un accord de non-débauchage entre eux. Un « accord accessoire » de non-débauchage entre franchisés, par lequel chaque franchisé convient de ne pas débaucher les employés des autres franchisés, soulèverait pour sa part des préoccupations relatives à l’alinéa 45(1.1)b). Les franchiseurs devraient se garder d’encourager ce genre d’« accord accessoire », à défaut de quoi ils pourraient être réputés avoir aidé ou encouragé la passation d’un accord illégal entre franchisés. En outre, les franchiseurs sont invités à consulter leurs conseillers juridiques avant de prendre contre un franchisé une mesure demandée par un autre franchisé pour faire respecter une clause de non-débauchage du contrat de franchisage.

Enfin, les lignes directrices du Bureau indiquent qu’un arrangement prévoyant qu’un franchisé débaucheur verse une compensation au franchisé lésé ne sera généralement pas problématique si la compensation est raisonnablement liée aux coûts de formation engagés et ne désavantage pas les employés par rapport aux candidats externes.

Accords de fixation des salaires

Le nouvel alinéa 45(1.1)a) de la Loi précise que des employeurs non affiliés commettent une infraction s’ils conviennent de fixer, maintenir, réduire ou contrôler les salaires, les traitements ou les conditions d’emploi, lesquelles incluent notamment les responsabilités, politiques et avantages associés à un emploi. Selon les lignes directrices, cela peut comprendre les descriptions de poste, les allocations telles que les indemnités quotidiennes et le remboursement des déplacements, la rémunération non monétaire, les heures de travail, le lieu de travail, et les dispositions de non-concurrence ou autres directives susceptibles de restreindre les perspectives d’emploi d’une personne.

Les lignes directrices indiquent que l’application par le Bureau se limite généralement aux « conditions » pouvant influer sur la décision d’une personne d’accepter un contrat d’emploi ou de le conserver.

En contexte de franchisage, il est courant que le franchiseur impose au franchisé (et, par ricochet, à ses employés) un certain nombre de normes et d’obligations, que ce soit en application du contrat de franchisage ou aux termes de manuels et de directives que le franchisé est tenu de suivre. Par exemple, il se peut que les employés du franchisé doivent observer un code vestimentaire. Les normes et obligations de cette nature sont habituellement considérées comme nécessaires à l’intégrité de la marque, une composante essentielle de tout réseau de franchises. Les franchiseurs doivent simplement voir à ce que ces normes systémiques ne contreviennent pas à l’alinéa 45(1.1)a). En plus de passer en revue les dispositions pertinentes de leurs contrats de franchisage, ils pourront éventuellement invoquer la « défense fondée sur les restrictions accessoires » prévue au paragraphe 45(4) de la Loi.

En bref, le paragraphe 45(4) dispose que si un accord de fixation des salaires (ou de non-débauchage) est directement lié et raisonnablement nécessaire à un accord légitime plus large, il sera probablement jugé conforme au paragraphe 45(1.1). Les lignes directrices soulignent expressément que des restrictions liées au travail peuvent jouer un rôle important de stabilisation et de protection des intérêts commerciaux légitimes des parties qui poursuivent des objectifs pro-concurrentiels légitimes, y compris dans des accords de franchisage. Les lignes directrices précisent toutefois que le Bureau peut ouvrir une enquête en vertu du paragraphe 45(1.1) lorsque ces clauses sont manifestement plus larges que nécessaire sur le plan de la durée, de la portée ou des employés visés, et que dans des circonstances appropriées, le Bureau peut inviter les employeurs à fournir des renseignements ou à rétablir leur conformité au moyen d’un règlement extrajudiciaire, au lieu d’une poursuite criminelle.

Conclusion 

Le paragraphe 45(1.1) de la Loi, qui prévoit une nouvelle infraction, entre en vigueur incessamment. Franchiseurs et franchisés feraient donc bien de passer en revue leurs contrats et politiques internes, et de consulter leurs conseillers juridiques afin d’établir des pratiques exemplaires permettant d’éviter toute infraction à la Loi.

[1] Lignes directrices sur l’application de la loi concernant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage (canada.ca)

par Adriana Rudensky, Andrae Marrocco, William Wu et Marie Liang (étudiante d’été en droit)

Mise en garde 

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

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