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L’OCRI propose des modifications visant à renforcer la réglementation de la vente à découvert

17 janvier 2014 Bulletin sur les marchés des capitaux et valeurs mobilières Lecture de 9 min

Le 11 janvier 2024, l’Organisme canadien de réglementation des investissements (l’« OCRI ») a publié pour consultation, dans l’Avis 24-0003 – Projet de modification des règles concernant l’attente raisonnable de pouvoir régler toute transaction de vente à découvert (l’« Avis de l’OCRI »), un projet de modification du cadre de réglementation de la vente à découvert aux termes des Règles universelles d’intégrité du marché (les « RUIM ») [1] afin de « soutenir et de clarifier » ce cadre par :

  1. l’ajout aux RUIM du paragraphe 3.3, qui constitue une nouvelle obligation d’avoir, avant la saisie de tout ordre dont l’exécution entraînerait une vente à découvert, une attente raisonnable de pouvoir régler la transaction à la date de règlement;
  2. l’ajout d’obligations de supervision et d’obligations de veiller aux intérêts du client relativement à l’obligation proposée au paragraphe 3.3;
  3. le regroupement en une même section des RUIM des dispositions actuelles relatives à la vente à découvert et des modifications d’ordre administratif correspondantes de ces règles (le «projet de modification »).

Simultanément, l’OCRI a également publié un projet de note d’orientation (le « projet de note d’orientation ») visant à clarifier les différentes obligations existantes ou proposées concernant la vente à découvert et les transactions échouées [2].

L’OCRI a également indiqué que, de concert avec le personnel des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), il continuera d’explorer d’autres aspects des règles sur la vente à découvert où il conviendrait d’ajouter des mesures réglementaires, dont des obligations de dénouement.

La date limite de réception des commentaires sur le projet de modification et le projet de note d’orientation est le 12 avril 2024.

Paragraphe 3.3 dont l’ajout aux RUIM est proposé

Actuellement, aux termes de l’alinéa (2) du paragraphe 2.2 des RUIM, il est interdit aux participants [3] et aux personnes ayant droit d’accès [4] de saisir un ordre d’exécution d’une transaction qui créerait, ou dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’il crée, i) une apparence fausse ou trompeuse d’activité de négociation sur le titre ou un intérêt à l’égard de l’achat ou de la vente du titre ou ii) un cours vendeur, un cours acheteur ou un prix de vente factices visant le titre ou un titre connexe. Aux termes du sous-alinéa (2)h) de la Politique 2.2 des RUIM, l’une des activités qui constitue une violation de l’alinéa 2.2(2) des RUIM est la saisie d’un ordre de vente (couverte ou à découvert) d’un titre sur un marché sans avoir, au moment de la saisie de l’ordre, une attente raisonnable de pouvoir régler toute transaction qui découlerait de l’exécution de l’ordre.

Le paragraphe 3.3 dont l’ajout aux RUIM est proposé imposerait une nouvelle obligation selon laquelle les participants et les personnes ayant droit d’accès devraient avoir, avant de saisir sur un marché un ordre dont l’exécution entraînerait une vente à découvert, une attente raisonnable de pouvoir régler toute transaction découlant de l’ordre. L’Avis de l’OCRI précise en outre que l’obligation relative à l’attente raisonnable s’applique aux participants à l’égard de tout ordre transmis par un client vers un marché dont l’exécution entraînerait une vente à découvert. L’OCRI souligne que le fait de consigner la façon dont a été établie l’attente raisonnable de règlement aiderait les participants et les personnes ayant droit d’accès à démontrer qu’ils se conforment au paragraphe 3.3 des RUIM, mais il s’est abstenu d’exiger une telle consignation.

L’OCRI a également réitéré que les transactions qui ne sont pas réglées à la date envisagée lors de l’exécution de la transaction (actuellement, T + 2, qui devrait devenir T + 1 à compter du 27 mai 2024) seront considérées comme des transactions échouées, que la transaction ait été ou non réglée conformément aux règles ou aux exigences de la chambre de compensation.

Fait important, il est indiqué dans le projet de note d’orientation que le simple fait qu’une transaction n’ait finalement pas échoué ne suffirait pas à démontrer que le vendeur avait, avant la saisie de l’ordre, une attente raisonnable de pouvoir la régler.

Facteurs ayant une incidence sur la capacité de démontrer une attente raisonnable de pouvoir effectuer le règlement

Le projet de note d’orientation décrit les facteurs susceptibles d’avoir une incidence sur la capacité des participants et des personnes ayant droit d’accès de démontrer une attente raisonnable de pouvoir régler une vente à découvert conformément au projet de modification, dont l’existence de transactions échouées antérieures d’un client, même si ces transactions échouées n’ont pas dépassé le délai de dix jours de bourse qui déclenche la transmission à l’OCRI d’une déclaration de transaction échouée sur une période prolongée. Le projet de note d’orientation indique qu’il faut obtenir auprès du client la raison d’une transaction échouée antérieure afin d’aider à déterminer s’il existe une incidence sur l’attente raisonnable de règlement des ventes à découvert futures de ce client [5].

De plus, lorsqu’il a été déterminé qu’un titre est difficile à emprunter, le projet de note d’orientation prévoit que les participants et les personnes ayant droit d’accès peuvent devoir prendre des dispositions supplémentaires pour établir une attente raisonnable de règlement de toute transaction qui en découlerait à la date de règlement, ce qui pourrait comprendre l’emprunt préalable d’un nombre suffisant de titres pour régler la transaction, le cas échéant.

Comment démontrer une attente raisonnable de pouvoir régler une transaction

Aux termes du projet de note d’orientation, les participants et les personnes ayant droit d’accès peuvent démontrer une attente raisonnable de pouvoir régler une transaction comme l’exige le projet de modification en s’appuyant sur des listes de titres faciles à emprunter, dans la mesure où ces listes ne comprennent que des titres facilement accessibles.

L’OCRI s’attend à ce que les participants et les personnes ayant droit d’accès ne s’appuient que sur les listes de titres faciles à emprunter qu’ils ont dressées ou qu’ils ont obtenues de courtiers avec qui ils ont établi une relation officielle en matière de compensation ou de règlement.

Pour dresser des listes de titres faciles à emprunter, les participants et les personnes ayant droit d’accès pourraient tenir compte des facteurs suivants pour sélectionner les titres à inclure dans ces listes : i) les critères de liquidité, ii) un critère d’exclusion des titres ayant des antécédents connus de défauts de livraison, iii) les seuils de prix établis par le courtier de premier ordre ou le dépositaire du participant ou de la personne ayant droit d’accès et iv) l’absence d’autres conditions limitant la disponibilité. Il est important de noter qu’un titre ne peut pas automatiquement être considéré comme facile à emprunter au motif qu’il n’est pas difficile à emprunter. De plus, les listes de titres faciles à emprunter devraient être revues et mises à jour à intervalles réguliers.

Obligations de supervision et obligations de veiller aux intérêts du client

Afin de démontrer qu’ils se conforment au paragraphe 3.3. des RUIM proposé, les participants et les personnes ayant droit d’accès devraient mettre à jour i) leurs politiques et procédures et leur processus de négociation, ii) leur système de supervision pour s’assurer qu’il y a des examens réguliers de la conformité à la nouvelle obligation d’attente raisonnable et iii) leurs processus de déclaration relativement aux obligations de veiller aux intérêts du client pour s’assurer que les violations possibles du paragraphe 3.3 des RIUM sont déclarées sans délai à l’OCRI. Comme le souligne l’OCRI, les participants et les personnes ayant droit d’accès ont généralement déjà mis en place des politiques, des systèmes et des processus de déclaration afin d’empêcher la négociation sans attente raisonnable de règlement aux termes de la Politique 2.2 des RUIM.

Opinion de l’OCRI sur l’incidence des modifications

L’Avis de l’OCRI contient une évaluation de l’incidence du projet de modification. Dans l’ensemble, l’OCRI estime que le projet de modification aura une incidence neutre ou favorable sur les participants au marché, en particulier parce qu’il existe déjà une interdiction de conclure des ventes à découvert sans attente raisonnable de règlement en vertu de la Politique 2.2 des RUIM.

En ce qui concerne les émetteurs en particulier, l’OCRI s’attend à ce que le projet de modification ait sur eux une incidence neutre ou légèrement favorable, car il « répondrait aux préoccupations de certains d’entre eux concernant les ventes à découvert en imposant une obligation d’avoir, avant de saisir sur un marché un ordre de vente à découvert, une attente raisonnable de pouvoir effectuer le règlement à la date de règlement ».

L’OCRI prévoit également que le Projet de modification aurait une incidence accrue dans les régions où sont nombreux i) les émetteurs dont les titres peuvent être considérés comme étant difficiles à emprunter ou ii) les participants et les personnes ayant droit d’accès qui n’ont pas suffisamment accès à des titres disponibles pour avoir une attente raisonnable de pouvoir effectuer le règlement.

Mise en œuvre 

L’OCRI propose une période de mise en œuvre de 90 jours suivant la publication de l’avis d’approbation, avec une date d’entrée en vigueur qui ne serait pas antérieure au passage au cycle de règlement T + 1.

Précisions concernant certaines exigences relatives aux opérations échouées sur une période prolongée

Lorsqu’un participant agit à titre de mandataire d’un client et exécute une transaction qui devient une transaction échouée sur une période prolongée, le participant doit déterminer, après avoir effectué une « enquête raisonnable », que la transaction échouée sur une période prolongée ne découlait pas d’un acte intentionnel ou négligent du client ou du non-client. Il est indiqué dans le projet de note d’orientation que pour effectuer une « enquête raisonnable », il faut notamment communiquer avec le client ou le non-client afin d’obtenir suffisamment d’information pour déterminer si la transaction échouée antérieure découlait d’un acte intentionnel ou négligent. Le projet de note d’orientation prévoit que les participants et les personnes ayant droit d’accès doivent consigner cette demande de renseignements, y compris leur évaluation.

Qu’entend-on par « acte intentionnel »?

Selon le projet de note d’orientation, les actes intentionnels sont ceux qui sont commis sciemment sans qu’il y ait nécessairement une intention malveillante. Le projet de note d’orientation donne comme exemple d’un « acte intentionnel » une situation où un client cherche à vendre à découvert un titre tout en sachant que celui-ci a été jugé difficile à emprunter et il fournit au participant exécutant des attestations de sa capacité à accéder à des titres disponibles. Malgré cela, le client ne prend aucune disposition pour s’assurer de la disponibilité des titres en vue du règlement de la transaction à la date de règlement et la transaction devient une transaction échouée sur une période prolongée.

Qu’entend-on par « acte négligent »?

Le projet de note d’orientation affirme qu’un acte négligent s’entend d’un acte qui ne découle pas nécessairement de l’intention du client, mais du fait que celui-ci n’a pas pris les mesures qu’une personne raisonnable prendrait pour s’assurer du règlement. Selon le projet de note d’orientation, un acte négligent est un acte qu’une diligence raisonnable aurait permis d’éviter. Le projet de note d’orientation donne comme exemple d’un « acte négligent » un scénario dans lequel un client souhaite vendre à découvert un titre et fournit au participant exécutant des attestations de son accès aux titres disponibles pertinents. Cependant, les attestations du client reposaient sur une liste périmée de titres faciles à emprunter et le client ne prête pas attention au changement d’état du titre au moment de saisir l’ordre; par conséquent, la transaction qui en découle devient une transaction échouée sur une période prolongée.

Observations

Distinctions entre le sous-alinéa 2h) de la Politique 2.2 et l’alinéa 3.3(1) du RUIM proposé

Il existe deux distinctions importantes entre l’obligation existante énoncée au sous-alinéa 2(h) de la Politique 2.2 des RUIM et l’alinéa 3.3(1) des RUIM proposé. Premièrement, l’alinéa 3.3(1) des RUIM proposé s’applique uniquement aux ventes à découvert et indique clairement qu’aucune activité manipulatrice ou trompeuse n’est nécessaire, ce qui, de l’avis de l’OCRI, aidera les participants et les personnes ayant droit d’accès à se conformer au projet de modification. Deuxièmement, l’alinéa 3.3(1) des RUIM proposé impose l’obligation positive d’établir une attente raisonnable avant la saisie de l’ordre, alors que le sous-alinéa 2h) de la Politique 2.2 des RUIM ne faisait qu’interdire la vente d’un titre, couverte ou à découvert, sans avoir établi une attente raisonnable, au moment de la saisie de l’ordre, de pouvoir régler la transaction.

Sens de « attente raisonnable »

Dans une note d’orientation antérieure, l’OCRI avait indiqué que, pour satisfaire à la norme de l’attente raisonnable, les participants et les personnes ayant droit d’accès doivent être « raisonnablement certains » de pouvoir accéder à un nombre suffisant de titres pour régler la transaction à la date de règlement. Nous avions indiqué dans un bulletin antérieur qu’il semblait s’agir d’une norme plus exigeante que celle énoncée précédemment par le prédécesseur de l’OCRI [6]. Bien que l’Avis de l’OCRI n’utilise pas l’expression « raisonnablement certains », le projet de modification et le projet de note d’orientation connexe continuent d’imposer une norme plus exigeante que celle énoncée initialement par le prédécesseur de l’OCRI, en particulier en précisant i) qu’une attente raisonnable doit être établie avant la saisie de l’ordre, ii) que les participants et les personnes ayant droit d’accès doivent prendre des mesures, y compris au moyen de listes de titres faciles à emprunter, pour démontrer qu’ils s’attendent raisonnablement à un règlement, et iii) que la consignation de ces mesures aiderait les participants et les personnes ayant droit d’accès à démontrer qu’ils se conforment au paragraphe 3.3 des RUIM proposé.

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. entend se servir de son expertise quant aux ventes à découvert et des avis recueillis auprès de ses clients et d’autres intervenants pour répondre à l’Avis de l’OCRI. Si vous avez des commentaires à formuler au sujet du cadre réglementaire canadien actuel de la vente à découvert, du projet de modification ou du projet de note d’orientation, veuillez communiquer avec l’un.e ou l’autre des auteur.e.s du présent bulletin.

[1] Projet de modification des règles concernant l’attente raisonnable de pouvoir régler toute transaction de vente à découvert, Avis 24-0003, en ligne : Organisme canadien de réglementation des investissements.
[2] Projet de note d’orientation sur les exigences des RUIM concernant les ventes à découvert et les transactions échouées, Avis 24-0004, en ligne : Organisme canadien de réglementation des investissements.
[3] Le terme « participant » est défini dans les RUIM et s’entend généralement i) soit d’un courtier inscrit conformément à la législation en valeurs mobilières d’un territoire qui est, selon le cas, membre d’une bourse (au sens des RUIM), utilisateur (au sens du Règlement 21-101 sur le fonctionnement du marché (le « Règlement 21-101»)) d’un système reconnu de cotation et de déclaration d’opérations, ou adhérent (au sens du Règlement 21-101) d’un système de négociation parallèle; ii) soit d’une personne qui a accès à la négociation sur un marché (au sens du Règlement 21-101) et qui exerce les fonctions d’un teneur de marché des instruments dérivés (au sens des RUIM).
[4] Le terme « personne ayant droit d’accès » est défini dans les RUIM et s’entend d’une personne autre qu’un participant qui est soit un adhérent, soit un utilisateur.
[5] L’OCRI a donné comme exemple les transactions effectuées par un client qui ont échoué pour des raisons administratives par opposition à des transactions effectuées par un client qui ont échoué par suite de négligence ou de fausses réclamations. La première situation peut ne pas avoir d’incidence sur l’attente raisonnable de règlement, alors que la seconde en aurait.
[6] Veuillez consulter notre bulletin sur la note d’orientation antérieure ici. Comme nous l’avons souligné dans le bulletin, le prédécesseur de l’OCRI avait, avant l’Avis 22-0130 de l’OCRI, affirmé que la norme de l’« attente raisonnable » [Traduction] « exige simplement que le vendeur n’effectue pas une vente alors qu’il sait que les titres ne peuvent être empruntés et qu’il prenne des « dispositions raisonnables » pour emprunter les titres afin de les livrer à la clôture ».

par Charlotte Conlin, Paul Davis, Troy Hilson, Shahen Mirakian, Leila Rafi et Sandra Zhao

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis. Il est préférable d’obtenir un avis juridique spécifique.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s. r. l. 2024

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