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Les modifications à la Loi sur la concurrence progressent comme prévu

27 décembre 2023 Bulletin Concurrence, anti-trusts et investissements étrangers Lecture de 6 min

Dans la foulée de notre dernier Bulletin [1], qui annonçait d’autres modifications à la Loi sur la concurrence, le projet de loi C-56, la Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, a reçu la sanction royale le 15 décembre 2023. Le projet de loi C-56 a été présenté le 21 septembre 2023 dans le cadre des efforts du gouvernement fédéral pour réviser la Loi sur la concurrence. Le projet de loi C-56 vise précisément à régler le problème du logement inabordable et des prix élevés des aliments. Cela étant dit, le projet de loi C-56 ne traite pas directement de ces questions ; en fait, il aura un impact général sur les entreprises partout au Canada. À la lumière de la première série de modifications à la Loi sur la concurrence mises en œuvre en 2022 dans le cadre de la Loi d’exécution du budget de 2022 [2] et des modifications transformatrices actuellement à l’étude dans le cadre du projet de loi C-59, la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023, les répercussions sur les entreprises seront importantes. Le dernier bulletin de McMillan portait sur l’analyse approfondie de ces modifications [3].

Toutefois, des changements supplémentaires ont été inclus au projet de loi C-56 à la suite des modifications faites par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. [4] Les modifications promulguées par le projet de loi C-56 sont brièvement résumées ci-dessous.

Études de marché

Le projet de loi C-56 a créé un cadre qui permet au Commissaire de la concurrence (« Commissaire ») d’effectuer des études de marché et d’exiger la production de renseignements.

Fait intéressant, une partie importante des commentaires du ministre sur ces nouveaux pouvoirs en matière d’études de marché porte sur les plaintes du Commissaire concernant les limites des pouvoirs du Bureau énoncées dans le rapport du Bureau sur l’épicerie de 2023 [5]. Les nouvelles dispositions sur les études de marché, entrées en vigueur le 15 décembre 2023, habilitent le Commissaire à mener des études de marché sur tout marché ou industrie, et non seulement sur le secteur de l’épicerie.

Expansion de l’abus de position dominante 

Le projet de loi C-56 propose de nombreuses modifications aux dispositions sur l’abus de position dominante, lesquelles modifications ne peuvent être considérées de façon isolée par rapport aux modifications mises en œuvre en 2022 et à celles proposées dans le projet de loi C-59.

Toutefois, aux fins de ce bulletin, le projet de loi C-56 élargit la portée de l’abus de position dominante, introduit de nouveaux concepts, réduit la norme pour obtenir une interdiction à l’égard d’une entreprise dominante (ou des entreprises dominantes) et augmente les conséquences de l’abus, soulignant notamment :

(i) Le projet de loi C-56 présente un nouvel exemple d’agissement anticoncurrentiel : « imposer des prix de vente excessifs et injustes ». Ce nouvel exemple ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi C-56. C’est un concept tout à fait nouveau dans le droit canadien de la concurrence. Puisque le Bureau n’a pas recommandé cette disposition et qu’il s’agit d’une conduite qui n’est pas habituellement considérée comme étant un abus de dominance, il reste à voir quelle approche le Bureau adoptera.

(ii) Le projet de loi C-56 adopte un nouveau critère qui abaisse la norme relative à l’obtention d’une ordonnance d’interdiction à l’égard de la conduite d’une entreprise dominante (ou des entreprises dominantes) qui se livre à des Il n’est plus nécessaire qu’une entreprise dominante se soit livrée à la fois à une « pratique d’agissements anticoncurrentiels » et que cette pratique soit susceptible de réduire substantiellement la concurrence ou d’empêcher la concurrence. Les modifications prévoient plutôt qu’une entreprise (ou des entreprises) dominante peut être considérée comme exerçant un abus de position dominante si :

    1. cette entreprise (ou ces entreprises) s’est livrée à des agissements anticoncurrentiels (définis en grande partie en fonction de l’intention anticoncurrentielle de l’entreprise à l’égard de la conduite) ; ou
    2. cette entreprise (ou ces entreprises) a adopté une conduite qui a eu, a ou est susceptible d’avoir

pour effet d’empêcher ou de réduire substantiellement la concurrence dans un marché dans lequel l’entreprise (ou les entreprises) a un intérêt concurrentiel plausible, lequel effet ne résulte pas d’un rendement concurrentiel supérieur (c.-à-d. une exigence d’effet anticoncurrentiel).

En conséquence, en vertu de l’article 79 (1) modifié, le Tribunal peut rendre une ordonnance d’interdiction à l’encontre d’une entreprise dominante si soit l’intention anticoncurrentielle pour la conduite, soit l’exigence relative à l’effet anticoncurrentiel, est atteinte.

(iii) Le projet de loi C-56 prévoit que le Tribunal peut rendre une ordonnance supplémentaire pour les agissements anticoncurrentiels. S’agissant d’une demande présentée en vertu dudit article 79 (1) modifié, si le Tribunal conclut qu’une pratique d’agissements anticoncurrentiels équivaut à une conduite qui a eu ou a pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché dans lequel l’entreprise (ou les entreprises) a un intérêt concurrentiel valable, et que le Tribunal estime qu’une ordonnance d’interdiction n’est pas susceptible de rétablir la concurrence dans ce marché, le Tribunal peut, en plus ou au lieu de rendre une ordonnance d’interdiction, rendre une ordonnance enjoignant à l’une ou à l’ensemble des personnes visées par une ordonnance de prendre des mesures, y compris le dessaisissement d’éléments d’actif ou d’actions, qui sont raisonnables et nécessaires pour surmonter les effets de la pratique d’agissements anticoncurrentiels sur ce marché.

Prenez note que, pour obtenir une ordonnance du Tribunal (sauf en vertu de l’article 79 (1) modifié), il sera toujours nécessaire i) qu’une entreprise (ou entreprises) qui est dominante ii) se soit livrée à des agissements anticoncurrentiels, et iii) que cette pratique ait eu, ait ou ait vraisemblablement l’effet d’empêcher ou de réduire substantiellement la concurrence dans un marché.

(iv) L’augmentation des sanctions administratives pécuniaires maximales (SAP) lorsqu’il est conclu qu’une entreprise (ou des entreprises) s’est livrée à une pratique d’agissements anticoncurrentiels équivalant à une conduite qui a eu ou a pour effet d’empêcher ou de réduire substantiellement la concurrence dans un marché dans lequel l’entreprise a un intérêt concurrentiel vraisemblable, le Tribunal peut également ordonner à cette entreprise de payer une SAP jusqu’à concurrence de la plus élevée des sanctions suivantes a) 25 millions de dollars canadiens dans le premier cas et jusqu’à 35 millions de dollars canadiens pour les ordonnances subséquentes, et b) jusqu’à trois fois la valeur de l’avantage tiré de la pratique anticoncurrentielle, ou si cette valeur ne peut être déterminée, 3 % des revenus annuels mondiaux de l’entreprise.

Les modifications aux dispositions relatives à l’abus de position dominante sont entrées en vigueur le 15 décembre 2023.

La défense fondée sur les gains en efficience est abrogée

Fusions

Le projet de loi C-56 abroge le moyen de défense fondé sur les gains en efficience en matière de fusions, au motif que les fusions qui sont jugées comme empêchant ou réduisant, ou susceptibles d’empêcher ou de réduire substantiellement, la concurrence, ne devraient pas être autorisées à se poursuivre, même si ces fusions ont entraîné ou sont susceptibles d’entraîner des gains d’efficience qui seront supérieurs aux effets anticoncurrentiels et les annuleront.

Cette modification est entrée en vigueur le 15 décembre 2023, bien que les modifications ne s’appliqueront pas à une transaction proposée lorsqu’un avis en vertu de la Partie IX a été déposé au préalable ou à une transaction qui était essentiellement conclue avant cette date.

Ententes non criminelles (article 90.1)

Le projet de loi abroge également le moyen de défense fondé sur l’efficience qui s’applique aux ententes non criminelles qui empêchent ou diminuent la concurrence (article 90.1). Cette modification entrera en vigueur avec un délai d’un an, soit le 15 décembre 2024.

Ententes non criminelles (article 90.1)

Le projet de loi C-56 a élargi la définition du type d’ententes non criminelles visées par l’article 90.1 pour inclure non seulement les ententes entre concurrents, mais aussi les ententes entre des personnes si l’un des « objets importants » de l’entente, ou une partie de celle-ci, est d’empêcher ou de diminuer la concurrence dans un marché, même si les parties à l’entente ne sont pas des concurrents.

Selon la déclaration du ministre Champagne, cette modification a été motivée par les clauses restrictives dans l’industrie de l’épicerie de détail qui limitent la capacité des nouveaux venus à louer des locaux à proximité des magasins de détail en place, ce que le Bureau a identifié dans son rapport de 2023 sur l’épicerie comme une raison du manque de concurrence dans l’industrie de l’épicerie de détail [6]. Toutefois, cette modification sera appliquée bien au-delà des ententes restrictives.

Cette modification entrera en vigueur avec un délai d’un an, soit le 15 décembre 2024.

[1] Voir : Réforme en profondeur de la Loi sur la concurrence : les faits saillants — McMillan E.N.C.R.L. s. r. l.
[2] Voir : Adoption de la première série de changements à la Loi sur la concurrence et modification du régime d’examen relatif à la sécurité nationale.
[3] Ibid
[4] Voir : Rapport de la commission n°. 13 — FINA (44-1) — Chambre des communes du Canada (noscommunes.ca/fr).
[5] Voir : Le Canada a besoin de plus de concurrence dans le secteur de l’épicerie ; Rapport de l’étude de marché sur l’épicerie de détail du Bureau de la concurrence.
[6] Voir : Sénat du Canada — Débats du Sénat (hansard).

par le Groupe de concurrence et antitrust de McMillan

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis. Il est préférable d’obtenir un avis juridique spécifique.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s. r. l. 2023

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